En Suède et dans les Balkans, comment est perçu l'accueil des réfugiés afghans ?
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Direction aujourd'hui les Balkans et la Suède pour voir comment se déroule l'accueil des réfugiés afghans.
L'accueil des évacués afghans qui fuient leur pays passés aux mains des talibans suscite de nombreux débats et divise les pays européens. Si certains, comme la Suède sont réticentes à ouvrir leurs portes, ce n’est pas le cas de certains pays du sud de l’Europe, notamment dans les Balkans.
Dans les Balkans, l'accueil des Afghans ne suscite pas la polémique
Ces derniers jours, des centaines d’Afghans sont arrivés en Albanie, au Kosovo et en Macédoine du Nord. Contrairement à ce que l’on peut voir et entendre ailleurs en Europe, l’accueil de centaines de réfugiés afghans dans des pays qui comptent seulement deux ou trois millions d’habitants et qui font partie des plus pauvres du continent ne fait pas vraiment polémique. Il s'agit pour la plupart des Albanais, des Macédoniens ou des Kosovars. Cette décision est avant tout perçue comme une réponse à une crise humanitaire, mais aussi comme une manière de venir en aide à leur très important partenaire américain puisque l’Albanie et la Macédoine du Nord par exemple sont membres de l’Otan. Il faut dire aussi que, culturellement, ces sociétés ont une réelle tradition d’accueil. Autre élément important, le facteur religieux ne joue pas vraiment puisque ce sont des pays où les différentes religions chrétiennes et musulmanes notamment ont toujours cohabité.
Si les opinions publiques sont favorables à l’aide apportée aux Afghans, c’est que certains de ces pays ont eux-mêmes connus les conséquences de la guerre notamment le Kosovo. Il y a un peu plus de vingt ans, les Albanais du Kosovo avaient aussi dû fuir leur pays quand les forces serbes procédaient à des expulsions massives. On estime aujourd’hui que 80% de la population du Kosovo a ainsi été déplacée et ils ont été près d’un million à trouver refuge chez les pays voisins. Cet exode a profondément marqué les Kosovars et ils sont nombreux à faire des parallèles avec la situation des Afghans aujourd’hui. Besnik par exemple avait 15 ans au moment de la guerre du Kosovo : "Je suis fier qu’on accueille ces gens parce que nous aussi pendant la guerre, on a dû fuir notre pays. Avec ma famille, on est resté trois mois comme réfugiés en Albanie, avant d’avoir la chance de pouvoir rentrer chez nous. Aujourd’hui, les Afghans aussi, ce n’est pas par plaisir qu’ils fuient, mais à cause de cette situation terrible : ils n’ont pas la sécurité là-bas. Ils ont besoin d’endroits où se réfugier."
Selon le ministre de l'Intérieur kosovar, environ 700 réfugiés afghans sur les 2 000 que le Kosovo devrait abriter sont déjà arrivés. Toutes ces personnes devraient rester temporairement au Kosovo, le temps que leur demande de visa pour les États-Unis soit traitée par les autorités américaines.
En Suède, la politique d'accueil n'est plus d'actualité
En 2015, la Suède avait fait partie des pays qui avaient ouvert leur porte aux réfugiés. Sur cette seule année, elle avait reçu 163 000 candidats à l’asile, un record pour un pays de dix millions d’habitants. Ces chiffres sont à nuancer car au final la moitié seulement de ces demandeurs ont eu un titre de séjour mais la situation est différente aujourd'hui.
Le Premier ministre Stefan Löfven l’a lui-même déclaré : "On ne va pas revivre le même scénario, le pays n’en a pas les capacités." En clair, les frontières sont fermées et il n'y aura d’amnistie pour les illégaux, comme cela avait été le cas en 2015. Les forces armées suédoises ont certes rapatrié depuis Kaboul plus de 1 000 personnes, mais il est clair que le gouvernement ne compte pas accueillir à bras ouverts tous les exilés afghans. Or la question est très sensible car on compte plus de 60 000 personnes nées en Afghanistan qui vivent sur le sol suédois, et beaucoup sont justement arrivés avec la crise de 2015.
Des manifestations d’Afghans ont eu lieu dans la capitale Stockholm et dans toutes les villes de Suède pour protester contre le régime des talibans, mais aussi pour réclamer une plus grande tolérance de la part de la Suède. Mais ils n’ont guère d’espoir de voir arriver d’autres réfugiés, malgré la crise qui frappe leur pays. Le gouvernement a quand même décidé de faire un geste pour les Afghans établis illégalement en Suède. En 2015 plus de la moitié de ces réfugiés étaient des jeunes, venus sans leurs parents, et pouvaient donc être expulsés à l'âge de 18 ans. C'est ainsi que beaucoup ont mis le cap au sud, vers la France notamment, dont les critères sont plus souples. Le 16 juillet, cette mesure a été suspendue et les décisions de rejet dans les cas d’asile afghans ont également été gelées, depuis la fin août.
On imagine cependant mal les autorités suédoises aller plus loin. D’une part parce qu’elles viennent d’adopter une nouvelle loi migratoire, justement en réaction à cette crise de 2015, et d’autre part parce que le pays est déjà en campagne pour les élections générales qui se tiendront dans un an. Et aucun candidat ne veut passer pour celui qui aura favorisé l’arrivée d’une nouvelle vague migratoire en Suède.
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