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Élections allemandes : l'image d'Angela Merkel en Grèce, en Espagne et aux Pays-Bas

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction, la Grèce, l'Espagne et les Pays-Bas pour voir comment sont perçues les élections fédérales allemandes de dimanche et surtout la fin de l'ère Merkel. 

Article rédigé par franceinfo, Angélique Kourounis, Mathieu de Taillac - Angélique Bouin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Angela Merkel prend la parole lors de la remise du rapport annuel du conseil national de contrôle de la réglementation, le 16 septembre à Berlin. (FILIP SINGER / POOL / EPA POOL)

À la tête du pays depuis 16 ans, Angela Merkel s'apprète à passer la main. Les allemands vont élire leurs députés au Bundestag dimanche 26 septembre et auront dans les prochains jours un nouveau chancelier. En Allemagne, sa popularité est toujours au sommet. Femme politique reconue et respectée, son action n'a pas été perçue de la même façon partout. Tour d'horizon.

En grèce, le souvenir de l'inflexibilité allemande durant la crise économique n'est pas oublié

Pour la Grèce les élections allemandes revêtent un intérêt très singulier du aux relations très compliquées entre les deux pays, notamment durant la crise économique et financière qui a secoué la Grèce de 2009 à 2019. Angela Merkel est restée 16 ans au pouvoir et la crise grecque a duré 10 ans soit plus de la moitié de son mandat. Cette terrible crise a mis les grecs à genoux et a fait perdre au pays 25% de sa richesse nationale. Pour une grande majorité de Grecs, l'Allemagne est tenue responsable en raison du dogme de l'orthodoxie budgétaire qui domine l'Europe. Un dogme à l'origine des baisses des salaires, du chômage, des faillites et de l'exode des jeunes. Angela Merkel a été représentée dans une manifestation sous les traits d'Hitler. Le contentieux historique entre les deux pays est grand, il y a la dette allemande due aux réparations de guerre d'un montant de 270 milliards d'euros que Berlin a cessé de payer après deux versements et un souvenir très douloureux encore bien vivace d'une occupation nazie des plus terribles qui a fait notamment  300 000 morts, victimes de la famine.

En avril 1941, il y a 80 ans, Athènes était pillée. L'Allemagne aussi et c'est pour cela que les grecs ont très très mal vécu les déclarations extrêmement humiliantes de politiciens allemands durant la crise. Ces derniers disaient que les grecs n'avaient qu'à vendre leurs îles, ou même l'Acropole. Des déclarations qu'Angela Merkel a désavoué. Récemment, elle a même déclaré que s'il y avait une chose qu'elle regrettait durant les années ou elle avait été au pouvoir c'était le traitement qui avait été réservé à la Grèce. 

Actuellement les conservateurs au pouvoir en Grèce ont d'excellentes relations avec Berlin. Ils espèrent que cela va continuer après les élections allemandes. Ils espèrent aussi que le partage des fonds pour faire face à la crise sanitaire liée au Covid-19 sera généreux. Enfin, il veulent que Berlin exige que toute l'Europe participe à la gestion de la crise migratoire. La seule ombre au tableau est que Berlin lorgne vers l'énorme marché turc et plus d'un million de turcs vivent en Allemagne. Du coup l'Allemagne freine toute sanction de l'Union européenne à l'encontre de la Turquie pour son attitude sur la question chypriote ou pour son agressivité en méditerranée orientale. Pour preuve les récents sous-marins vendus par l'Allemagne à la Turquie ont changé l'équilibre militaire dans la région. Athènes voudrait que le nouveau gouvernement allemand rééquilibre cette situation. D'où son grand intérêt pour ce scrutin.

En Espagne, la classe politique fait souvent référence à la chancelière

À gauche comme à droite, il y a une formule consensus : celui de la femme d’État. En vérité chacun utilise la chancelière un peu à sa sauce. La droite quand le chef du Parti populaire, le PP, Mariano Rajoy, voulait former une grande coalition avec le parti socialiste, par exemple. La gauche, plus récemment, pour mieux stigmatiser le PP qui, aujourd’hui, passe des accords dans les régions avec l’extrême droite, ce que Merkel a toujours refusé. On trouve tout de même un ancien cadre de Podemos, Pablo Bustinduy, pour rappeler à la gauche qu’elle a la mémoire courte, vis à vis de celle qui a “personnifié l’imposition au sud de l’Europe d’un odre d’austérité, implacable, inutile et cruel dont on paie encore les effets une décennie plus tard”, dit-il. Portrait contrasté donc, même si, en fin de vie politique, la plupart des observateurs ont, disons, la courtoisie, de garder le meilleur.

Pour les observateurs espagnols, la fin politique d’Angela Merkel est la fin d’une Europe. La presse se demande ce que va devenir l’Europe post-Merkel, et notamment le couple franco allemand. El Confidencial, un journal espagnol titre un de ses articles de la manière suivante: “Est-ce que Macron pourra succéder à Merkel ? Le tandem franco allemand affronte son année la plus difficile”. Et le journal, l’un des leaders sur internet, précise que le binôme Paris Berlin traverse actuellement une lune de miel, ce qui n’a pas été toujous le cas. El Confidencial s’inquiète de la présidentielle française et cite quatre candidats qui ont une vison critique de l’UE, Marine Le Pen, Éric Zemmour, Jean Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg. Et puis dans la presse réginoale, La Voz de Galicia va plus loin, “L’Union européenne contemple l’abîme de l’ère post Merkel”, La Voz rappelle toutes les crises, financières, sanitaire et climatique affrontées par Merkel.

Au Pays-Bas, les Néerlandais s'inquiètent de l'action de son successeur

Pour les Néerlandais c’est une page importante qui se tourne. Angela Merkel, c’est une figure très respectée. Elle a toujours bien défendu les intérêts de ce petit pays, l’Allemagne ayant des intérêts croisés très importants. C’est par le port de Rotterdam, par exemple, que transitent la plupart des marchandises exportées par l’Allemagne et inversement. Mais il y a aussi un attachement à la personne d’Angela Merkel, et une proximité culturelle. Cette fille de pasteur protestant est souvent présentée comme un modèle de courage et de fermeté politique. Un attachement persistant et cela malgré son basculement récent en faveur d’un endettement européen commun. Qui, on le rappelle, donne des boutons aux Pays-Bas, pays devenu chef de file du clan des États européens baptisés les frugaux ! 

Les Néerlandais s'inquiètent de ce que fera son successeur. "Est-ce que ce sera un chancelier qui sera dur, monataire qui ne voudra pas payer pour les erreurs des autres ? s'interroge, Taiss Beurman, ex-député qui dirige maintenant l’Institut néerlandais de soutien à la démocratie. Ou bien, est-ce que ce sera un chancelier plus dépensier ? Il y a une inquiétude là-dessus. Les Pays-Bas ont une position plus dure que l’Allemagne depuis 2008. 

Pour le gouvernement néerlandais qui gère toujours les affaires courantes faute d’avoir pu composer une coalition, le poids et la ligne du prochain couple franco-allemand est aussi une question fondamentale. Ira-t-on vers une union toujours plus étroite ? Il y a une angoisse sur le sujet. Angoisse doublée du souci de limiter dans le pays la progression des populistes écrit le Clingendael spectattor, l’Institut de recherche néerlandais sur les relations internationales.

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