Comment se déroule la lutte antidrogue en Belgique et en Espagne ?

Alors que des opérations antidrogue XXL ont lieu en France depuis le 19 mars 2024, en Belgique, la police est sur tous les fronts, mais semble bien démunie face à l'ampleur de la tâche. En Espagne, un "Plan spécial de sécurité" a été mis en place en 2018.
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La présentation d'une saisie de cocaïne dans le port d'Anvers, en avril 2023. (NICOLAS LANDEMARD / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Annoncées en grande pompe par Emmanuel Macron depuis le quartier de La Castellane, le 19 mars 2024, les opérations "place nette XXL", pour lutter contre le trafic de drogue continuent en France. En Belgique et aux Pays-Bas, c'est sur les ports d'Anvers et de Rotterdam, que les polices concentrent leur attention, puisque les saisies de cocaïne y atteignent chaque année des niveaux records. En Espagne, les efforts se concentrent dans la région andalouse du Campo de Gibraltar, une gigantesque plaque tournante de la drogue.

Des criminels de plus en plus violents en Belgique

À Anvers et à Amsterdam, les douaniers racontent trouver de la cocaïne partout, comme dans les doublures de vêtements. Les deux gouvernements annoncent régulièrement un renforcement des moyens pour augmenter les saisies, comme le recrutement de centaines de policiers supplémentaires, l'achat de nouveaux scanners ou encore l'utilisation de l'intelligence artificielle pour détecter la drogue.

Les chiffres sont édifiants, puisque 116 tonnes de cocaïne ont été saisies sur le seul port d'Anvers en 2023, à tel point que les incinérateurs belges n'ont pas suivi la cadence pour les détruire. L'armée a été appelée en renfort pour protéger les bâtiments de stockage attaqués par des criminels bien déterminés à récupérer cette marchandise.

Les polices belges et néerlandaises ont d'ailleurs découvert, à la faveur du décryptage en 2021 d'une messagerie utilisée par les narcotrafiquants sud-américains, un réseau tentaculaire utilisant des méthodes dignes des pires séries policières. Les laboratoires clandestins de drogues, dans lesquels travaillent des Colombiens, sont désormais monnaie courante, tout comme des salles de torture dans des conteneurs portuaires ou encore des exécutions ou mutilations entre bandes rivales.

Les mafias sud-américaines ont importé leurs méthodes comme la corruption, mais également des faits de violences et de menaces contre les familles de douaniers, qui refusent de travailler pour elles. Le ministre belge de la Justice a été mis sous protection après des menaces d'enlèvement, et même des juges font l'objet de tentatives de corruption, a-t-on appris récemment. Enfin, il n'est pas rare de voir des policiers dans la liste des arrestations.

La police n'est pas inactive, puisque depuis 2021, 1 400 criminels liés au trafic de drogue ont été arrêtés, 100 000 suspects ont été identifiés et 120 sont en cours de jugement dans un méga procès. Mais sous pression, les mafias ne cessent de se réorganiser et la violence se déploie partout. À Bruxelles, plus une semaine ne se passe sans une fusillade attribuée à des règlements de compte entre bandes rivales.

Le bilan d'un "Plan spécial de sécurité" en Espagne

En 2018, ce plan avait été mis en place dans la région du Campo de Gibraltar, après des épisodes de violence, qui ont mis en évidence l'escalade de la criminalité dans cette région du sud de l'Espagne, située dans la province de Cadix, dans le Détroit de Gibraltar. Selon les chiffres officiels, ce Plan s'est traduit par un investissement de près de 80 millions d'euros pour le gouvernement espagnol, avec 40 millions destinés à la hausse des effectifs de police et 40 au renforcement des capacités opérationnelles et de renseignement, ainsi qu'aux moyens matériels et technologiques.

Cet investissement a porté ses fruits, selon le ministère de l'Intérieur, puisque depuis 2018, les agents espagnols ont saisi près de 1 700 tonnes de drogue, au cours de plus de 22 000 opérations de police et environ 20 000 personnes ont été arrêtées ou font l'objet d'une enquête pour contrebande ou trafic de stupéfiants.

Pourtant, c'est dans cette même région que deux gardes civils espagnols ont été tués en février 2024, lorsque des narcotrafiquants ont volontairement percuté avec leur "narcolancha", un bateau semi-rigide surpuissant, le petit Zodiac de la Garde civile. Cet épisode dramatique s'est produit dans le petit port de Barbate, près de Gibraltar, et la scène a été filmée par des voisins. Certains ont même applaudi et encouragé les assauts des narcotrafiquants provoquant la colère de beaucoup d'Espagnols.

Les premiers à réagir ont été les forces de l'ordre qui ont dénoncé le manque d'effectifs et de moyens pour lutter contre des délinquants qui au contraire, sont de plus en plus organisés, violents, bien mieux équipés, et qui n'hésitent pas à narguer la police. "Il n'y aura aucune impunité. Nous allons continuer à travailler et à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires et précis, comme nous le faisons depuis 5 ans", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska. "Il faut que les narcotrafiquants et les organisations criminelles sachent qu'ils font face à des durs à cuire, qu'ils ne vont pas s'en sortir comme ça et qu'ils continueront d'être acculés de plus en plus chaque jour."

L'Espagne va donc augmenter les moyens matériels et humains pour lutter contre le trafic de drogue, mais la tâche s'annonce dure. N'oublions pas que la province de Cadix est située à moins de 15 kilomètres du Maroc, le principal producteur mondial de cannabis. C'est donc une porte d'entrée incontournable du trafic de drogue en Espagne et en Europe. Une région, par ailleurs, frappée par le chômage et la pauvreté, où une partie de la population locale a banalisé le trafic de stupéfiants.

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