Centrales, EPR, gestion des déchets... Quelle est la place du nucléaire en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède et Finlande ?
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction Londres, Berlin, Stockholm et Helsinki pour voir quelle place occupe l'atome dans leur politique énergétique.
En France, la question de notre dépendance à l'énergie nucléaire est un des sujets qui animent la campagne présidentielle. Pour voir comment cet enjeu énergétique et écologique est appréhendé ailleurs en Europe, nous prenons la direction de la Scandinavie, de l'Allemagne et du Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni investit massivement dans le nucléaire
Le Royaume-Uni fait le pari du nucléaire. Boris Johnson a annoncé, jeudi 7 avril, la construction de huit centrales d’ici à 2030, soit une par an. Pour le Premier ministre britannique, l’indépendance énergétique passe forcément par l’atome.
Non seulement le nucléaire est inévitable selon les conservateurs au pouvoir mais il faut, jugent-ils, largement le renforcer. D’ici à 2030, le pays organisateur de la dernière COP, veut produire 95% de son électricité à faible émission de carbone. Pour le nucléaire, l'objectif britannique est d'atteindre les 24 gigawattheure (GW) d’ici 2050, soit 25% de la demande au Royaume-Uni.
Le gouvernement évoque à la fois de petits réacteurs modulaires et des grosses centrales comme celle d’Hinkley point, sur la côte sud-ouest de l'Angleterre. Le chantier de ce premier réacteur EPR britannique, dont la construction a été décidée il y a 14 ans, est toujours en cours. EDF a annoncé un retard l'année dernière et prévoit une livraison pour la fin 2025. Le coût global de cette méga centrale est estimée à près de 27 milliards d’euros.
The more cheap, clean power we generate at home, the less exposed we will be to eye-watering fossil fuel prices set by global markets we can’t control.
— Kwasi Kwarteng (@KwasiKwarteng) April 7, 2022
Today’s Energy Security Strategy sets out our plan for greater energy independence.
Full plan https://t.co/6svnoxb7WO pic.twitter.com/lfE9fLlr4q
Kwasi Kwarteng, le ministre britannique de l’Énergie, est donc questionné sur la faisabilité de ce plan. "Personne n’a dit que construire une centrale nucléaire était facile. Plusieurs gouvernements sur les 30 ou 40 dernières années ont annoncé des projets ambitieux et, bien sûr, rien ne s’est produit. La raison pour laquelle vous pouvez nous croire c’est la construction d’Hinkley point. On l’a annoncée et on la construit. Le projet ira à son terme. Et nous pouvons le refaire."
Évidemment, le gouvernement britannique met aussi en avant la création d'emplois, à la fois pour bâtir ces centrales et pour les faire tourner. Malheureusement, ces projets ne réduiront pas tout de suite les factures d’énergie qui ont augmenté de 50% vendredi 1er avril. Pour faire baisser les prix, Londres compte encore sur les gisements de gaz et de pétrole dans la mer du Nord.
L'Allemagne envisage de reporter ses engagements post-Fukushima
En Allemagne, la guerre en Ukraine oblige le pays à repenser son approvisionnement en énergie et à revoir sa copie en matière de transition énergétique. La sortie du nucléaire prévue cette année pourrait être retardée.
Dans le nouveau gouvernement allemand, c’est désormais un écologiste qui gère ces questions. Robert Habeck, vice-chancelier, s’est taillé sur mesure un portefeuille ministériel inédit : "l'économie et la protection du climat". Robert Habeck a toujours milité pour la sortie du nucléaire. C’est en 2011, après l’accident à la centrale japonaise de Fukushima que l’Allemagne dirigée par Angela Merkel se donne environ 10 ans pour éteindre tous ses réacteurs. Et conformément au calendrier, l’Allemagne a fermé trois des six centrales qui lui restaient, quelques semaines seulement avant le début de l’invasion russe en Ukraine. Les trois derniers réacteurs doivent à leur tour cesser de fonctionner à la fin de cette année.
Seulement, cette guerre semble bouleverser ce scénario, tout comme d’ailleurs celui de la sortie du charbon. L’Allemagne fait face à un véritable casse-tête énergétique. Se libérer du gaz russe, sortir du charbon et du nucléaire, tout ça n’est évidemment pas possible en même temps. Le vice-chancelier l’a lui-même reconnu. Ses mots étaient les suivants : "Le pragmatisme doit l’emporter sur tout engagement politique".
C’est une leçon de choses tout à fait allemande, classique. Ce qui est nouveau en revanche et qu’on entend beaucoup plus ici ces derniers temps, c’est quand Robert Habeck ajoute : "Il n’y a aucun tabou". L’Allemagne, sous la contrainte, est forcée de s’adapter, de mettre de côté certains de ses dogmes. Et si la situation paraît de prime abord désagréable, ce ministre en fait une force. Il a détaillé mercredi 6 avril ce que doit être la nouvelle stratégie allemande. Il donne encore plus que dans son projet précédent un coup d’accélérateur aux énergies renouvelables.
En 2035, l’électricité doit provenir presque entièrement du soleil et du vent. Pour se faire, il classe les renouvelables comme étant d’un "intérêt général supérieur", autrement dit, la phrase magique contre les blocages administratifs et les recours en justice. Cela n’aurait jamais été possible sans la guerre en Ukraine. Et il donne ainsi à l’opinion publique allemande, fondamentalement anti-nucléaire, des raisons d’espérer que sur ce point, au moins, le calendrier de sortie soit, même à quelques mois près, respecté.
La Finlande et la Suède avancent sur le traitement des déchets
En Suède et en Finlande, c'est la question de la gestion des déchets nucléaires qui préoccupe les autorités. Cela fait des décennies que les ingénieurs planchent sur la possibilité d’enterrer ces déchets à une très grande profondeur, pour une très longue durée. Et ces deux pays sont les premiers à s’engager concrètement dans cette voie. Ils estiment que la technologie est maintenant sûre.
En Suède, le gouvernement a donné officiellement son feu vert à cette solution fin janvier. Les déchets vont être scellés dans des conteneurs de cuivre, descendus à 500 mètres sous terre et entreposés dans des galeries de granit, elles-mêmes remplies d’argile. Le site a déjà été choisi, et les premiers conteneurs vont arriver en 2030. En Finlande on a opté pour la même solution, mais c’est un peu l’inverse du calendrier suédois : les galeries sont déjà creusées, il ne manque plus que l’autorisation administrative et politique.
The Swedish Government approves SKB’s final repository system https://t.co/VAdE2kmk4M
— SKB (@SKB_nyheter) January 27, 2022
Ces décisions vont conforter le rôle de l’industrie nucléaire dans les deux pays. Avec l'atome, ils misent sur la production d’énergie non carbonée. Et le fait de pouvoir se débarrasser, sur leur propre territoire, de ces déchets ouvre des perspectives. La Suède a six réacteurs en fonctionnement, mais il est légalement possible d’en ouvrir quatre autres. La Finlande de son côté a déjà franchi le pas en raccordant en mars dernier un tout nouvel EPR - ce nouveau réacteur de technologie française – qui va fournir à terme 14% de l’électricité du pays. C’est aussi le premier réacteur nucléaire à être inauguré en Europe, depuis 15 ans.
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