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TÉMOIGNAGES. "On ne sait pas comment on paiera les factures à la fin de l'année" : face à la hausse de la facture énergétique, les maires improvisent

Alors que les budgets électricité et gaz ont doublé, voire triplé dans la majorité des communes de France qui, contrairement aux particuliers, ne bénéficient pas du bouclier tarrifaire, des maires se demandent comment payer la facture et imaginent des solutions.

Article rédigé par franceinfo - Boris Loumagne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le maire de Tramayes devant sa chaudière à bois. (BORIS LOUMAGNE)

Les collectivités locales sont prises à la gorge par les prix de l'énergie : avec la flambée des cours, les budgets électricité et gaz ont doublé, voire triplé dans la majorité des communes de France, qui elles ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, contrairement aux particuliers.

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Aussi, certains maires se demandent comment payer la facture, comme dans la commune de Sénas, dans les Bouches-du-Rhône. Philippe Ginoux, le maire, est très préoccupé par la situation, son budget énergie a plus que doublé en un an : 350 000 euros de gaz et d'électricité en 2021, 800 000 euros cette année. "C'est quasiment incroyable, soupire le maire. Parce qu'il y a quelques années, on n'imaginait pas devoir affronter une telle crise. On ne sait pas comment on paiera les factures à la fin de l'année."

Six CDD ne seront pas renouvelés dans la commune

Philippe Ginoux voit deux solutions : soit augmenter les impôts, une option rejetée par le maire de Sénas, soit faire des économies sur le budget de fonctionnement de sa commune.

"Pour la voirie, les espaces verts, l'administratif, nous avons été obligés de faire des choix."

Philippe Ginoux, maire de Sénas

à franceinfo

Ainsi, six salariés en CDD à la mairie vont voir leur contrat s'arrêter, soit une économie de 200 000 euros. Il restera encore 250 000 euros à trouver. "On a économisé 20 000 euros en supprimant le concert de la fête votive, poursuit l'édile. On va arrêter aussi le repas de fin d'année pour les personnes âgées. On le fait parce qu'on n'a plus le choix." 

Le maire de Sénas, Philippe Ginoux. (BORIS LOUMAGNE)

Et ce n'est pas tout : le maire a baissé de cinq euros le chèque de 50 euros qu'il adressait tous les ans aux familles pour les fournitures scolaires. Philippe Ginoux a même demandé à faire des économies sur les produits d'entretien utilisés pour faire le ménage. "Les maires, aujourd'hui, vont se transformer en véritables gestionnaires, continue Philippe Ginoux. Ils vont être obligés d'analyser ligne par ligne tous les budgets de la commune." 

Et attention aux conséquences de cette situation dans les mois qui viennent, prévient Philippe Ginoux : "Cette surcharge de dépenses avec les énergies aura un impact sur les investissements des communes : demain, si je dois refaire la voirie dans un quartier, cela fera travailler plusieurs entreprises. Je vais être obligé d'y renoncer parce que demain, je ne pourrais plus payer ma part de cet investissement. Donc, je pense que très vite, les collectivités ne vont plus investir et il y aura un vrai recul sur certains secteurs, comme le BTP."

Sénas se chauffe avec les copeaux de la scierie

Face à une telle situation, les mairies sont obligées de réfléchir à une nouvelle manière de consommer leur énergie : réduction de la consommation, comme l'extinction de l'éclairage public la nuit qui vient d'ailleurs d'être décidée à Sénas, production d'énergie via l'installation de panneaux solaires... En somme, un bouleversement total que certains ont déjà anticipé.

Direction la commune de Tramayes, un millier d'habitants au sud de la Saône-et-Loire, où il y a plus de quinze ans le maire Michel Maya a pris une décision : plus question de chauffer les bâtiments municipaux avec du fioul, place au chauffage au bois... Les copeaux du silo sont des déchets produits par la scierie d'à côté : à l’heure où les cours flambent, se chauffer au bois coûte à la commune cinq fois moins cher que le fioul.

Le maire de Tramayes, devant le silo à bois. (BORIS LOUMAGNE)

"La chaufferie chauffe l'école, explique le maire. Elle chauffe les bâtiments qui sont au-dessus du clocher, une douzaine de logements de particuliers, l'Ehpad, la mairie, la salle des fêtes, la bibliothèque, la maison de la Poste." Il ouvre une porte et entre dans la chaufferie.

"J'ai découvert que nous allions chercher de l'or noir à des milliers de kilomètres alors que l'on a de l'or vert à portée de main ! On est vraiment maîtres de la ressource !"

Michel Maya, maire de Tramayes

à franceinfo

La commune se promet de viser l'indépendance énergétique dans les prochaines années : en plus de la chaufferie, des panneaux solaires ont été installés sur la commune. Tramayes produit aujourd'hui presque autant qu'elle consomme. Enfin, l'isolation des bâtiments a permis de diviser par trois la consommation d'énergie. "On a pu faire tout ça, et pourtant ce sont des milliers d'euros qui ont été investis dans ces différentes opérations, sans augmenter la fiscalité locale !", vante l'édile. Grâce à des subventions, mais surtout grâce aux économies réalisées sur les factures d'énergie.

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