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Saint-Denis : 200 mystérieuses sépultures découvertes lors de fouilles archéologiques sur le chantier de la cathédrale

Les fouilles archéologiques se terminent en ce moment sur le chantier de restauration de la cathédrale de Saint-Denis. 

Article rédigé par Olivier Emond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les fouilles archéologiques exceptionnelles menées dans la cathédrale de Saint-Denis ont mis au jour 200 sépultures mérovingiennes et carolingiennes. (OLIVIER EMOND / RADIOFRANCE)

Alors qu'à Paris, le chantier de Notre-Dame se poursuit, quatre ans après l’incendie, une autre cathédrale francilienne majeure est en travaux : celle de Saint-Denis, qui abrite notamment les tombeaux des rois de France. La reconstruction de la flèche disparue depuis le XIXe siècle est lancée et avant cela, des fouilles exceptionnelles se terminent. Les archéologues ont mis au jour plus de 200 tombes datant des époques mérovingienne et carolingienne. Les fouilles ont aussi permis de mieux apprécier les différentes chantiers qui ont accompagné la réalisation de ce chef-d’œuvre gothique façonné entre le XIIe et le XIIIe siècles.

À peine passé le porche de l’entrée ouest de la basilique, on se retrouve nez à nez avec ses imposants piliers dont les fondations ont été mises à nue, sur plusieurs mètres de profondeur. Au milieu d’un enchevêtrement d’échafaudages et d’escaliers de chantier en bois, ces espaces excavés sur plus de 400 mètres carrés laissent apparaître une partie des tombes retrouvées, notamment ces cuves en plâtre parfaitement conservées. 

Un long travail d'analyse des sépultures

"Les premières tombes ont été installées au Ve siècle, pendant la première phase d'occupation de l'époque mérovingienne, explique Cyrille Le Forestier, anthropo-archéologue à l’INRAP, l’Institut national d’archéologie préventive. Les cuves sont absolument intactes donc on va pouvoir réellement travailler dessus ainsi que sur  leurs décors, des sortes de médaillons avec des croix au milieu, des chrismes chrétiens. Ce sont des décors qu'on retrouve assez fréquemment mais ce qui nous manquait, c'est d'avoir une collection aussi importante de cuves en plâtre au même endroit."

Cyrille Le Forestier, anthropo-archéologue à l’INRAP, l’Institut national d’archéologie préventive. (OLIVIER EMOND / RADIOFRANCE)


Une fois analysées au cours du long travail d’études qui suivra ces fouilles, ces cuves et les ossements associés permettront d’en savoir plus sur la population enterrée dans ce qui était à l’époque un cimetière à l’air libre, avant que les murs de la cathédrale gothique ne viennent enserrer les lieux des siècles plus tard.  "Avec les premières données archéo-anthropologiques, on peut voir déjà qu'il s'agit pour la plupart d'hommes adultes, décrit Cyrille Le Forestier. Il n'y a pas beaucoup d'objets dans les sépultures, parfois des boucles de ceinture mais c'est tout, donc ce sont peut-être des tombes d'ecclésiastiques, très épurées. Ce ne sont pas des sépultures d'aristocrates par exemple, qui contiennent tout un mobilier pour montrer leur pouvoir jusque dans la tombe. C'est encore le début de l'étude, on en saura plus d'ici un an ou deux sûrement."

Des archéologues travaillant sur le chantier de fouilles de la cathédrale de Saint-Denis. (OLIVIER EMOND / RADIOFRANCE)

À d’autres endroits du chantier, des tombes plus tardives, de l’époque carolingienne sont visibles. Parfois ce sont aussi de simples ossements sans sépulture qu’il faut donc tenter de caractériser. Il faut pour cela les dégager prudemment, comme s’y attelle accroupie et truelle à la main l’archéologue Aurélia Feugnet.  "Je suis en train de fouiller ce qu'on pense être un dépôt secondaire, explique-t-elle. Il y a des os qui ne sont pas en connexion donc on ne sait pas d'où ils viennent... Peut-être d'une tombe qui a été vidée pour mettre quelqu'un d'autre ? Je suis en train d'essayer de comprendre la structure."

Les traces de différents chantiers menés au Moyen-Âge

Les fouilles débutées l’été dernier ont aussi mis au jour de nombreuses traces des différents chantiers menés avant et pendant la construction de la basilique, comme ces décors de pierre de l’époque romane réutilisés comme remblais, ou ces marques laissées sur les fondations. "À l'époque médiévale, les tailleurs de pierre signent leur travail comme ici, cette marque en forme de S", décrit Yvan Lafarge, archéologue au département de la Seine Saint-Denis. "C'est ce qui va déterminer la paye puisqu'ils sont payés à la pièce. Chaque tailleur de pierre a sa propre marque, mais ils travaillent en équipes donc chacune constitue un groupe de marque."

Yvan Lafarge, archéologue au département de la Seine-Saint-Denis. (OLIVIER EMOND / RADIOFRANCE)

Dans les prochaines semaines, les fouilles seront stoppées, une partie des éléments mis au jour emportés pour étude. Pourra alors commencer le chantier de reconstruction de la flèche en pierre de cette tour nord, comme le raconte Cyril Le Forestier : "Quand nous partirons, dans un mois ou deux, les ouvriers vont intervenir pour couler des tonnes de béton au niveau de la tour et pour reprendre les fondations en sous-œuvre. Ainsi la tour sera bien consolidée et dans quelques années, on pourra monter les 2 000 tonnes de pierre de la nouvelle flèche que les Dionysiens n'ont pas pu admirer pendant un siècle et demi."

Le chantier devrait s'achever début 2028. La cathédrale, tombeau des rois de France, retrouvera alors sa silhouette historique, telle qu’elle apparaissait à ses contemporains, au début du XIIIe siècle.

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