Reportage
Tour Eiffel : à l'approche de Paris 2024, les vendeurs à la sauvette sont dans le viseur de la préfecture de police

C'est l'une des images de la capitale que les autorités aimeraient effacer avant les Jeux olympiques. La préfecture de police de Paris veut sécuriser le Champ-de-Mars et lutter contre les vendeurs à la sauvette.
Article rédigé par Willy Moreau - édité par Thomas Destelle
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Des vendeurs à la sauvette proposent des Tours Eiffel miniatures dans le quartier touristique du Champ-de-Mars, en bas de la Tour Eiffel, le 20 avril 2022. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Ils sont debout devant les portiques de sécurité, les vendeurs à la sauvette agitent des petites Tours Eiffel devant les touristes. D'autres sont accroupis et installent sur des bouts de carton à même le sol des porte-clés, des pin's et des magnets. À quelques mètres, des jeux d'argent se déroulent aussi dans l'illégalité.

Hors micro seulement, ces vendeurs à la sauvette racontent leur parcours. Ce sont souvent de jeunes hommes, originaires du centre de l'Afrique : Sénégal, Gabon, Mali, Tchad, Cameroun. Une partie d'entre eux a transité via l'Espagne avant d'arriver en France et au Champ-de-Mars. Ils sont souvent en petit groupe, chaperonnés par un "capot" comme ils l'appellent. Il s'agit d'une sorte de chef de bande qui prévient les autres quand les policiers arrivent.

Des revenus dérisoires

Un jeu du chat et de la souris permanent se met en place avec la police. Plusieurs fois par jour, ces vendeurs fuient avec leur baluchon de marchandises sur le dos pour ne pas qu'il soit confisqué. L'un d'entre eux explique se fournir à Aubervilliers où, par exemple, le sac d'une centaine de Tours Eiffel coûte 7 euros. Mais les revenus derrière sont dérisoires, de 15 à 20 euros par jour. Un vendeur explique qu'en une heure, il n'a "gagné qu'un euro". "Les gens n'achètent pas parce qu'il y a la crise et les guerres", pense-t-il. En plus, "il pleut", ajoute le vendeur à la sauvette, et cela n'arrange pas ces personnes exposées aux aléas de la météo car les touristes sont moins enclins à rester pour acheter des souvenirs.

Certains touristes s'arrêtent quand même. Ils sont attirés par le prix. Par exemple, un porte-clés est vendu sept à huit fois moins cher que dans les petites cabanes à souvenirs à proximité. Le prix est ultra-concurrentiel car il n'y a pas de charges à payer et des marges réduites. Lucas, un touriste brésilien, s'est donc laissé tenter par cinq mini Tours Eiffel. Il n'est pas totalement serein malgré tout : "On était en train de parler depuis 15 minutes, cinq personnes nous ont arrêtés et nous ont demandé si on voulait acheter quelque chose. C'est tout le temps, ça nous embête. Ici il y a beaucoup de touristes, donc ce n'est pas étonnant... mais la manière dont il nous parle : 'Wooow, regardez ça !' Je pense qu'à cause de ça, on ne sent pas en sécurité."

200 kg de marchandises saisis quotidiennement

La préfecture de police de Paris veut ramener un peu de sérénité dans cet endroit très touristique de la capitale, qui a été médiatisé ces derniers mois après deux viols. Pourtant la délinquance a baissé selon le préfet Laurent Nunez avec 49% d'agressions en moins depuis le mois de juin et des vols en baisse de 29%. Un poste mobile de police est aussi installé tous les après-midi et 100 à 200 policiers sont présents sur place tout le temps. 

Les équipes du commissaire divisionnaire Cyril Lacombe avancent à pied autour du parvis de la Tour Eiffel mais les vendeurs à la sauvette sont déjà partis. "Notre travail ne consiste pas à juste les faire partir, explique Cyril Lacombe. C'est aussi de la saisie et des interpellations. Nous avons une procédure simplifiée qui a été validée par le procureur qui permet de faire la saisie des objets et qui nous permet de rester sur le terrain." Les objets mais aussi la nourriture saisis sont ensuite détruits. Dans leur fuite, les vendeurs utilisent tout type de cache : les trappes techniques, les piliers de lampadaires ou les poubelles. Environ 200 kg de marchandises sont saisis tous les jours.

La stratégie est d'attaquer directement au porte-monnaie. "Notre technique, c'est vraiment de leur saisir leurs matériels pour que ça leur fasse monter le coût de leur activité", présente le commissaire.

"Ce sont des gens qui ne sont pas agressifs avec les touristes. Ils auraient même tendance à dénoncer les voleurs."

Commissaire divisionnaire Cyril Lacombe

à franceinfo

"Mais ce qui est vrai, c'est qu'il faudrait davantage de commerces autour de la Tour Eiffel par rapport au nombre de touristes", estime le commissaire.

Au moment des marchés de Noël, Cyril Lacombe constate que le nombre de vendeurs à la sauvette diminue et globalement depuis des années. Il n'y en a pas plus selon lui. Au loin, derrière des buissons de jeunes hommes surveillent les allées des policiers, l'un d'eux souffle : "Ce n'est pas une vie, si j'avais des papiers, je ferais un autre métier."

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