Reportage
"Nous sommes au début, on va s'améliorer" : la vaccination scolaire contre les papillomavirus attire peu d'élèves

Une campagne de vaccination contre les papillomavirus (HPV) a commencé il y a une quinzaine de jours dans tous les collèges publics et les établissements privés volontaires. Elle doit permettre d'augmenter la couverture vaccinale des adolescents.
Article rédigé par franceinfo, Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 96 min
Vaccination contre les papillomavirus au collège St-Exupéry (Seine-Saint-Denis). (Solenne Le Hen / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le retour des piqûres à l'école. Une campagne de vaccination scolaire a commencé il y a une quinzaine de jours, qui concerne tous les collèges publics de France et les collèges privés volontaires. Elle est proposée à tous les élèves de 5e mais n'est pas obligatoire. Ces adolescents reçoivent des piqûres pour les protéger des papillomavirus (HPV), des virus responsables de 6 400 nouveaux cas de cancers en France.

>> Papillomavirus : ce qu'il faut savoir sur la campagne de vaccination contre les HPV qui commence dans les collèges

Malgré tout, cette campagne s'annonce compliquée sur le papier. En effet, les premiers concernés ne savent pas à quoi correspondent ces papillomavirus, à l'instar de ces élèves de 5e du collège Antoine de Saint-Exupéry de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). "On va se faire vacciner contre le HPV, c'est le papillonavirus (sic) et on peut avoir différents cancers : cancer de la gorge, le cancer des yeux", raconte un adolescent. "On l'a déjà le papillomavirus, non ? Enfin je ne sais pas, ça se transmet ?", questionne une autre élève. 

Cours de rattrapage sur les papillomavirus

Pour bien comprendre de quoi on parle quand on évoque les HPV, il s'agit des papillomavirus humains. Ce sont des virus assez répandus et sexuellement transmissibles. Ils peuvent provoquer chez la femme le cancer du col de l'utérus, voire certains cancers du vagin et de la vulve. Chez les hommes, cela peut tourner en des cancers du pénis. Femmes et hommes peuvent, aussi, être concernés par certains cancers de la gorge et de l'anus. Le vaccin, pour les prévenir, est jugé plus efficace quand il est administré à l'adolescence en deux doses, soit avant le premier rapport sexuel.

>> Trois questions sur les papillomavirus humains, qui peuvent provoquer des cancers... y compris chez les hommes

Cette vaccination concerne donc les filles et les garçons. La campagne est censée étendre la couverture vaccinale à tous les élèves de 5e. "Tant mieux si on peut vacciner le plus de personnes possible", explique le docteur Mohan Vijayakanthan qui vaccine ces jeunes. "J'ai peut-être plus de personnes qui ne seraient pas venues d'elles-mêmes au cabinet", raconte celui qui officie d'habitude au centre municipal de santé.

Sauf que sur les 200 élèves de 5e du collège Antoine de Saint-Exupéry, seuls 17 garçons et filles sont candidat à la vaccination, soit moins d'un adolescent sur dix. Certains parents ont même refusé que leur enfant se fasse vacciner. "Une fille a dit que ses parents ne voulaient pas parce qu'ils avaient peur pour elle", raconte une jeune. Le Gardasil, le vaccin utilisé contre ces HPV, avait par le passé suscité des craintes sur ses effets secondaires. Mais elles sont balayées par des spécialistes, qui le considèrent aujourd'hui sûr et efficace.

La France est "un mauvais élève"

En plus de la crainte des parents, le peu de candidats peut s'expliquer par le manque d'informations auprès des jeunes. "Entre les élèves qui ont déjà eu un schéma vaccinal commencé ou complet, et ceux qui se vaccinent aujourd'hui, on est dans ce collège à près de 18-20% de jeunes vaccinés, détaille Michèle Lorenzi, infirmière et conseillère technique au rectorat de Créteil. "L'objectif était d'atteindre 30%. Nous sommes au début, je pense qu'on va s'améliorer", poursuit l'infirmière. 

"On peut espérer que lors des prochaines campagnes de vaccination, on atteigne des chiffres plus corrects."

Michèle Lorenzi, infirmière et conseillère technique au rectorat de Créteil

à franceinfo

Le gouvernement s'est fixé comme objectif de vacciner 30% des élèves de 5e cette année, mais il ne sera certainement pas atteint. Pour le moment, les ministères de la Santé et de l'Éducation ne fournissent pas de chiffres nationaux sur le nombre d'élèves volontaires pour cette campagne. Il faut dire qu'en matière de vaccination des adolescents contre les papillomavirus, la France part de loin. "Nous ne sommes pas un très bon élève, confirme le docteur Joseph Monsonégo, spécialiste des infections HPV. En 2022, la couverture vaccinale pour les jeunes filles avec deux doses est de l'ordre de 42%. Pour les garçons on est de l'ordre de 8%, ce qui est absolument insignifiant si on veut obtenir un état de protection de santé publique contre les cancers."

L'enjeu est pourtant énorme. En vaccinant à grande échelle, le cancer du col de l'utérus peut carrément être éliminé, explique Linda Eckert, professeur de gynécologie à l'université de Washington et jusqu'à peu conseillère pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS). "Si l'on vaccine 90% des jeunes filles au niveau mondial, on éradique le virus et donc le cancer du col de l'utérus. C'est l'objectif de l'OMS à l'horizon 2030, explique-t-elle au Congrès international de gynécologie à Paris. Certains pays y sont presque et sont en train d'éliminer ce cancer : l'Australie, l'Angleterre ou l'Écosse. L'Australie a réussi à vacciner 80% des filles et sera sans doute le premier pays à y parvenir." Et ce qui a permis à ces pays d'éradiquer quasiment le cancer du col de l'utérus, c'est justement d'avoir mis en place la vaccination des adolescents au collège.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.