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Reportage
"Le stress me prend beaucoup de force" : malgré la guerre, les gymnastes ukrainiennes se préparent pour les JO de Paris 2024
Elles aussi vibrent pour la flamme olympique mais depuis Kiev. Alors que le relais de Paris 2024 a commencé à parcourir la France, les athlètes ukrainiennes s'entraînent dans un pays toujours en guerre contre la Russie. Viktoria Onoprienko, 20 ans, est l'une des meilleures gymnastes d'Ukraine. Elle a été 10e aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021. Elle s'entraîne en ce moment très dur, dans des conditions très difficiles.
Les traits tirés, la jeune fille filiforme termine son entraînement, ruban à la main, au bord de l'épuisement. La veille, à Kiev, les alertes aériennes se sont succédé de 3 heures à 6 heures du matin. "J'ai eu très peu de temps pour récupérer et pour dormir, raconte Viktoria Onoprienko. Bien sûr, c'était difficile de travailler aujourd'hui, parce que mon corps est épuisé. Le stress me prend beaucoup de force."
"Un bon nombre de nos filles sont parties"
Ce stress ne la quitte plus depuis deux ans. La gymnaste a passé les dix premiers jours de la guerre dans le sous-sol de sa maison, avec sa famille. Depuis, plusieurs de ses proches sont morts au front. Ils se battaient près de Bakhmout. "Mon père est parti à la guerre dès les premiers jours et en ce moment il défend toujours le pays sur la ligne de front, explique l'athlète. Malheureusement, notre famille n'a pas été épargnée – mon cousin, le cousin de ma mère ainsi qu'un ami très proche de notre famille, notre parrain, ont été tués. Mon père et lui sont partis comme volontaires sur le front, et ils sont restés ensemble jusqu'au jour de sa mort."
Viktoria Onoprienko est entraînée par une star de la gymnastique du temps de l'URSS. Irina Deriugina, championne du monde en 1977 et 1979, nous reçoit au milieu de ses trophées, le trident Ukrainien, symbole du pays, bien en évidence. L'ancienne athlète, âgée de 66 ans, nous explique, en russe, à quel point la guerre a chamboulé les existences : "Un bon nombre de nos filles sont parties. Ça fait mal au cœur."
"Dès le début de la guerre, elles sont toutes parties. Et ensuite, il nous a fallu quatre mois pour les rassembler à nouveau. On a rassemblé les meilleures."
Irina Deriugina, entraîneuseà franceinfo
Une cinquantaine de jeunes filles qui s'entraînent dans une salle beaucoup trop petite. Les plafonds ne font que sept mètres de haut, contre les 14 réglementaires. Les cerceaux sont stoppés net dans leur trajectoire. Sur les murs, ces inscriptions : "Gloire aux Forces armées ukrainiennes", et juste à côté,"en route pour Paris 2024." "Ce ne sont pas des conditions, pour Viktoria Onoprienko. Beaucoup de sportifs s'entraînent aujourd'hui à l'étranger. Mais la gymnastique, elle, est restée en Ukraine."
"Je vais le faire pour nos soldats"
Et si les conditions ne sont pas idéales, au moins l'équipe reste en Ukrain. Une immense fierté pour Iricha Blokhina, la fille d'Irina Deriugina, qui entraîne également cette équipe, car c'est aussi une histoire de famille. "Une des choses les plus effrayantes, quand je suis arrivée ici, dans cette salle, c'est que c'était vide. Pas une âme qui vive. C'était effrayant car on savait qu'on ne ferait pas revenir tout le monde et qu'on ne reverrait peut-être jamais cet esprit, cette vie, que vous avez vue aujourd'hui. Tout ça, c'est le grand succès des entraîneurs, de notre équipe, de tous ces gens courageux qui sont revenus, et en particulier ma mère, qui a dit : 'Non. On ne laisse pas tomber. Et ça, après, tout ce qu'on a traversé, ce qu'on a vu, après tout ça.' C'est pour ça qu'on s'est battu, pour les petites. Parce que c'est la seule chose qui leur reste."
De la motivation, Viktoria Onoprienko, dans la perspective des Jeux olympiques, n'en manque pas. Elle promet de tout faire pour porter haut les couleurs jaune et bleu de l'Ukraine. "Oui, bien sûr, je vais le faire pour nos soldats, pour tous les défenseurs qui nous protègent et nous donnent la possibilité de nous lever chaque matin et de continuer à vivre."
"Malgré cette situation horrible dans laquelle se trouve le pays, nous représentons l'Ukraine et nous nous battons tous pour la victoire sur l'agresseur."
Viktoria Onoprienko, gymnaste ukrainienneà franceinfo
Assise dans un fauteuil, leur petit chien sur les genoux, sa mère cache ses larmes. La fédération ukrainienne de gymnastique explique avoir déposé tous les recours possibles pour que les athlètes russes ne puissent pas participer aux Jeux olympiques de Paris, même sous bannière neutre.
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