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Présidentielle 2022 : les trois raisons pour lesquelles les droits de succession s’invitent dans le débat

Sujet éminemment politique, le système actuel des droits de succession fait l’objet de nombreuses propositions de la part des candidats à l’élection présidentielle. Alors qu’il s’agit d’un système complexe et parfois opaque, la question sensible de l’héritage a réussi à devenir un sujet incontournable à un peu plus de deux mois du premier tour.

Article rédigé par franceinfo
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Des dossiers testament et droits de succession empilés sur un bureau, le 13 avril 2017. (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

C’est le débat surprise de la campagne pour l’élection présidentielle 2022. Depuis plusieurs semaines, tous les candidats ou presque font des propositions sur les droits de succession, la plupart du temps pour aboutir à une baisse du montant de ces droits ou du nombre de personnes qui y seraient soumises. Valérie Pécresse, par exemple, souhaite que les parents puissent faire des donations à leurs enfants plus régulièrement. Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel veulent, eux, relever l’abattement dont bénéficient les enfants. Alors qu’un récent sondage publié par Les Echos estime que 81% des Français souhaitent une baisse de ces droits de succession, franceinfo vous explique pourquoi cette thématique suscite autant de débats et de propositions. 

Parce que tout le monde (ou presque) est concerné par une succession un jour

Le système des droits de succession est construit un peu sur le modèle de l’impôt sur le revenu. "Le niveau des droits de succession dépend principalement des liens de parenté avec le défunt", précise maître Lionel Fallet, vice-président du Mouvement jeune notariat. "Entre conjoints et entre partenaires de Pacs, il n’y a plus de droits de succession depuis la loi Tepa de 2007." Il existe également un abattement de 100 000 euros pour les enfants. Ils ne payent rien si l'héritage ne dépasse pas cette somme.

Au-delà de ce montant, les héritiers sont soumis à des taux évolutifs de 5 à 45%. "Pour une maison qui valait 150 000 euros il y a une quinzaine d'années et 250 000 euros aujourd'hui, lors du décès du propriétaire, son enfant va se retrouver avec un patrimoine certes très important mais sur lequel il y aura environ 30 000 euros de droits de succession à payer", explique maître Boris Vienne, porte-parole du Conseil supérieur du notariat, l'organe officiel de la profession. Parfois, les droits sont si importants que certains héritiers doivent revendre le bien pour pouvoir régler la facture.

Dans les faits, plus de 200 000 successions ont donné lieu, en France, au règlement de droits en 2021. Cela représente seulement 25% des héritages au total car la grande majorité des Français n’hérite de rien ou d’une faible somme. "Au sein d’une cohorte, 50% des individus auront hérité de moins de 70 000 euros de patrimoine tout au long de leur vie. Parmi ceux-là, une large fraction n’aura hérité d’aucun patrimoine", expliquait ainsi le Conseil d’analyse économique, dans une note du mois de décembre, intitulée "Repenser l’héritage". Ainsi, "de 85 à 90% des héritages en ligne directe", c’est-à-dire de parent à enfant, "sont exonérés d’impôts", expliquait à franceinfo début janvier l’économiste Clément Dherbécourt. 

Parce que le système apparaît comme opaque

Si le système est censé être conçu pour que chacun paie en fonction de ses moyens, il existe en réalité toute une série de niches fiscales, des moyens légaux d’optimisation fiscale pour payer moins de droits de succession. Ainsi, les économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole notaient dans un rapport, remis en juin 2021 à Emmanuel Macron, que "des personnes qui reçoivent le même montant total peuvent être imposées à des taux très différents". Dans sa note du mois de décembre, le Conseil d’analyse économique estimait que 40% du patrimoine échappe ainsi au fisc. Il préconisait d’ailleurs de les réduire ou de les supprimer, ce qui ferait revenir dans les caisses de l’État entre 12 et 19 milliards d’euros selon le nombre de niches supprimées. 

Parmi les niches possibles, les donations faites de son vivant : elles permettent à chaque parent de donner 100 000 euros à chaque enfant, tous les 15 ans, en une ou plusieurs fois. Sous ces plafonds, les sommes ne sont pas soumises à l’impôt. Il est aussi possible d’organiser une sorte de partage des biens immobiliers entre les futurs héritiers. "Mon grand-père avait déjà organisé sa succession avec un système de donation-partage entre ses enfants", témoigne ainsi une retraitée vivant en Île-de-France et qui souhaite rester anonyme. Elle reconnaît avoir également  profité de ce dispositif lors du décès de son père l'an passé. "Mes deux parents avaient anticipé avec des donations. La succession était organisée et il y avait finalement peu de surprises."

Parce que le système contribue à reproduire les inégalités 

Sur le papier, la France arrive au troisième rang des pays "les plus taxeurs" au sein des pays industrialisés, derrière la Corée du Sud et la Belgique. En valeur absolue, cela représente presque 16 milliards d'euros de recettes encaissées l'an passé pour l'État. Dans la réalité, le poids de l’héritage ne cesse de se renforcer et de creuser les écarts de revenus. Dans sa note, le Conseil d’analyse économique évoquait même un risque de "dérèglement profond de l’égalité des chances".

Les successions comptent pour 60% dans le patrimoine des Français, alors que c’était deux fois moins il y a 50 ans. Les plus riches, qui toucheront au cours de leur vie plus de 500 000 euros, sont moins de 10%. Les niches, elles, profiteraient essentiellement aux 1% de Français les plus riches. Alors que les droits de succession font partie des impôts évolutifs, donc censés contribuer à la redistribution des revenus au sein de la société.

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