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Parcs éoliens en mer : les projets en France suscitent la colère des pêcheurs, "ce n'est pas compatible avec notre métier"

C'est une des solutions pour produire de l'énergie tout en luttant contre le réchauffement climatique : l'éolien en mer. La France est en retard par rapport à ses voisins sur la question. Mais les projets provoquent la fronde de pêcheurs.

Article rédigé par Grégoire Lecalot - Célia Quilleret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 424 min
Des éoliennes en construction au large de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, le 21 septembre 2021. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

À Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), d'épais poteaux jaunes émergent des eaux bleues, à une douzaine de kilomètres de la côte. "Vous avez toutes les fondations du quart nord-est du projet qui sont installés dans ce secteur-là, explique Olivier de La Laurencie, directeur du projet pour EDF Renouvelables. Il y en a une vingtaine. Et sur notre bâbord avant, vous avez un navire qui s'appelle l'Olympic Triton qui est le navire qui vient faire les travaux de finition après l'installation des câbles inter-éoliens." 

Les premières éoliennes vont tourner à partir du printemps 2022 et seront hautes d'environ 200 mètres. On les verra à environ une dizaine de kilomètres à la ronde. 

>> Parcs éoliens en mer : trois questions sur les projets en France et les résistances qu'ils suscitent

Le gros avantage des éoliennes en mer, ce sont les vents marins : plus forts, plus réguliers. Elles peuvent produire jusqu'à deux fois plus d'électricité que les mêmes à terre. "On va avoir besoin de produire beaucoup plus d'électricité décarbonée, estime Cédric Le Bousse, directeur des énergies marines chez EDF Renouvelables. Pourquoi ? Parce qu'on va avoir un transfert entre des énergies finales carbonées et de l'électricité décarbonée. On pense notamment au pétrole pour les voitures qui va être transformé en électricité pour les voitures électriques.  Donc +40% d'électricité décarbonée d'ici à 2050. C'est absolument phénoménal !"

"On a besoin de toutes les énergies et l'éolien off-shore fait partie de ces solutions."

Cédric Le Bousse, directeur des énergies marines chez EDF Renouvelables

à franceinfo

Fin 2022, les éoliennes de Saint-Nazaire produiront la consommation électrique de 700 000 habitants, soit 480 MW.

La fronde des pêcheurs bretons

Un deuxième parc est en construction, dans la baie de Saint-Brieuc. Un projet d'une soixantaine d'éoliennes, lancé il y a plus de dix ans. Les travaux de forage de fondations ont commencé il y a cinq mois. Et dans la baie, réputée pour ses coquille Saint-Jacques, les marins-pêcheurs mènent la fronde. 

Dans le port d'Erquy, Patrice Piquet, patron du Réfractaire, prépare son bateau pour la coquille Saint-Jacques, dont la pêche ouvre lundi 4 octobre. "En ce moment, ceux qui sont au chalut, par exemple, pêchent 60% de moins de poissons, à cause des forages parce que ça fait beaucoup de bruit, explique-t-il. Il y a à peu près 200 décibels de répercussions dans la mer, donc c'est comme s'ils étaient dans une grande discothèque 24h/24, quoi."

"Le parc éolien, il m'a bouffé ma vie. On n'en peut plus, on veut leur tête !"

Patrice Piquet, pêcheur

à franceinfo

"Pour nous les pêcheurs, ce n'est pas compatible avec notre métier et avec la gestion qu'on a de cette baie de Saint-Brieuc, estime Alain Coudray, président du comité des pêches des Côtes-d'Armor, qui participe aux discussions depuis le début. D'ici à la pointe de Bretagne, je ne vois pas beaucoup d'endroits où on peut mettre des éoliennes sans risquer des dangers."

Patrice Piquet, patron du Réfractaire, dans le port d'Erquy, en septembre 2021. (GREGOIRE LECALOT / RADIO FRANCE)

Des compensations financières à la clé

À Saint-Brieuc, c'est l'opérateur espagnol Iberdrola et sa filiale française Ailes marines qui ont remporté l'appel d'offres. Emmanuel Rollin, directeur des énergies marines pour Iberdrola france, constate que le dialogue est bloqué avec les pêcheurs, mais il se veut rassurant sur la Saint-Jacques. "L'empreinte spatiale du parc ne représente que 1,5% des prises de coquilles Saint-Jacques annuelles donc c'est tout à fait négligeable, assure-t-il. Ensuite, tout a été prévu pour qu'on puisse pêcher au sein du parc. Donc, l'alignement des éoliennes, l'espacement entre les éoliennes, le fait que les câbles soient enterrés permettra de pêcher. Le dernier volet, c'est qu'effectivement, la zone du parc sera fermée au plus fort de la phase de construction du parc et là il y a des compensations financières qui sont prévues en cas de perte de revenus pour les pêcheurs." Les pêcheurs répondent qu'ils ne veulent pas prendre des chèques mais du poisson.

Alors quel est l'avenir pour les éoliennes en mer ? Le gouvernement a lancé huit projets de parcs éoliens en mer fixés au fond marin : Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, mais aussi Dunkerque (Nord), Dieppe (Seine-Maritime), Fécamp (Seine-Maritime), Courseulles-sur-Mer (Calvados), l'Île d'Yeu (Vendée) et le dernier en date devant l'Île d'Oléron (Charente-Maritime).

Objectif de mise en service : 2028, pour environ 4 000 MW, l'équivalent de quatre à cinq réacteurs nucléaires, ce qui nous laissera encore loin derrière l'Allemagne ou le Royaume-Uni qui a déjà 10 000 MW installés. Mais la contestation avance en même temps : des manifestations ont eu lieu la semaine dernière en Normandie ou à Dunkerque. Et comme pour l'éolien terrestre, le sujet prend une tournure politique à l'approche de l'élection présidentielle.

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