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"On risque de passer des mois difficiles" : dans les Pyrénées-Orientales, touchées par une sécheresse historique, une saison touristique sous haute tension

Les Pyrénées-Orientales s'apprêtent à vivre une saison touristique compliquée par le manque d'eau, alors qu'une partie du département va passer en situation de crise sécheresse.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La surface de l'un des lacs du plan d'eau de Millas dans les Pyrénées-Orientales, habituellement site de pêche. (ETIENNE MONIN / RADIO FRANCE)

La sécheresse de cette année est hors norme et une partie du département des Pyrénées-Orientales va passer en situation de crise mercredi 11 mai. Pourtant, la population des Pyrénées-Orientales se prépare à quadrupler cet été pour faire tourner l’un des poumons de l’économie : le tourisme. Comment concilier dans ce cas lutte contre la sécheresse extrême et tourisme de masse ?

Pour trouver un élément de réponse, il faut d'abord se rendre à Port-Vendres dans le sud du département. Face à la mer, se trouve un conteneur de couleur bleue : il s'agit d'une petite unité de désalinisation qui a été installée il y a trois semaines. Elle n’est pas encore opérationnelle, mais elle symbolise l’état d’urgence des municipalités pour qui toutes les solutions sont bonnes à prendre face au manque d’eau, y compris les plus réduites. "Ce sera symbolique, explique le maire Grégory Marty. Cela permettra d'apporter une solution d'appoint pour nos agriculteurs, nos viticulteurs surtout qui sont en pleine période de traitement de leurs vignes et ont besoin d'eau pour diluer leurs traitements. Mais les quantités d'eau générées sont quand même assez infimes."

La stratégie de la fourmi

On retrouve cette stratégie de la fourmi, où l'on réalise de petites économies un peu partout, dans les campings du département qui vont faire gonfler la population du département cet été. Le camping des dunes par exemple, qui accueille 3 000 personnes à la belle saison, possède une piscine de 500 mètres cube. Il va donc devoir se serrer la ceinture, et il a même déjà commencé. "Nous n'arrosons plus nos espaces verts depuis décembre 2023, détaille le directeur Philippe Palau. Et depuis l'ouverture du parc aquatique, les bassins fonctionnent, mais les toboggans sont à l'arrêt, tout comme les 'aquatoons' pour les enfants. Cela nous évite une perte d'eau assez importante." 

Le barrage de Vinça dans les Pyrénées-Orientales, à sec. (ETIENNE MONIN / RADIO FRANCE)

Pour tenter d’éviter les conflits d’usage et bâtir une culture de la sobriété, le préfet a mis sur pied des chartes dans lesquelles les mairies, les campings et les agriculteurs s’engagent à préserver l’eau. Les campings doivent ainsi diminuer leur consommation de 35%. C’est un donnant-donnant puisque les  mairies espèrent par exemple obtenir certaines dérogations pour les potagers familiaux ou les plantations les plus fragiles. Cet été, Torreilles, en bord de mer, va voir sa population quadrupler. Marc Medina, le maire de la commune, prévoit donc des réserves pour stocker notamment les eaux usées de son parc aquatique : "La municipalité a décidé d'acheter de grandes bâches que nous remplirons avec l'eau de récupération des piscines des campings qui nous accompagnent dans cette expérimentation. L'eau de ces bâches servira à la fois aux services municipaux, mais aussi en cas d'incendie, pour remplir les citernes des pompiers."

"On est au pied du mur, comme souvent dans ces politiques environnementales. On attend toujours le dernier moment pour mettre en place des actions."

Marc Medina, maire de Toreilles

à franceinfo

Cet été, les responsables départementaux pensent qu'il y aura suffisamment d'eau potable pour tout le monde, en tout cas sur la côte. Mais dans le secteur le plus touristique, l’eau potable vient des nappes les plus profondes qui ont été surexploitées ces dernières décennies pour tous les types d’usage. De plus, elles ont une faiblesse : elles risquent d'être contaminées par l’eau de mer. Ce phénomène est d'ailleurs déjà en cours sur certains captages. "Quand on prélève dans une nappe, il se crée ce qu'on appelle un cône de dépression, alerte Henri Got, ancien universitaire et hydrogéologue. Donc l'eau vient de partout, y compris de l'aval, c'est-à-dire de la mer. Si on prélève trop, le cône se creuse et l'eau de mer entre ... C'est irréversible : une fois que la nappe est salée, c'est pour toujours." Il y a donc un enjeu de préservation de ces nappes profondes qui concerne les générations à venir puisque ces nappes mettent des centaines d’années à se reconstituer quand il pleut.

Le département souhaite créer et diffuser une culture de la sobriété en eau. L'été 2023 sera un test, pour voir si tourisme peut rimer avec civisme. "Aujourd'hui, la situation est compliquée, s'inquiète le maire de Port-Vendres Grégory Marty. Si on restait entre nous, ça irait, mais avec cet apport touristique, qui est nécessaire pour notre économie, on risque de passer des mois difficiles ..." Le problème du département est que le tourisme n’est pas la seule contrainte sur l’eau. L’agriculture et la lutte contre les incendies prennent aussi dans les réserves, ainsi que les forages clandestins difficiles à contrôler. Il y en aurait 2 000 sur tout le département.

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