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Isolement à la maison : ces dispositifs pour "mieux accompagner" les malades du Covid-19

Comment s'assurer que les malades du Covid-19 peu graves et sans symptômes respectent bien l'isolement, comme le souhaite le gouvernement ? franceinfo s'est rendu dans les Hauts-de-France où les patients bénéficient d'un accompagnement matériel et psychologique.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Elodie Allais, psychologue à Marcq-en-Barœul (Nord). (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

C’est un casse-tête pour le gouvernement : comment faire respecter l'isolement des malades du Covid-19 à la maison ? Dans sa dernière allocution, mardi 24 novembre, Emmanuel Macron a annoncé un débat au Parlement pour envisager des mesures plus contraignantes. Dans certaines régions, comme dans les Hauts-de-France, un accompagnement matériel et médical a été mis en place pour essayer de maintenir le plus possible chez elles, les personnes atteintes du coronavirus. 

"Vous avez des difficultés à rester isolée ?"

"Allo madame ? Bonjour, c'est Élodie Allais de l'équipe mobile Covid. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?", entre deux consultations dans son cabinet de Marcq-en-Barœul, dans la métropole lilloise, Élodie Allais, psychologue, participe au dispositif d’accompagnement des patients atteints du Covid-19. Adèle habite à plus de 100 kilomètres, à Amiens et a été placée à l’isolement. "Comment se passe votre isolement à la maison ? Est-ce que tout se passe bien pour vous ?", demande la psychologue. "Oui, mais j'avoue que c'est vital pour moi de sortir, quand je ne sors pas je ne suis pas bien", confie Adèle. "Vous avez des difficultés à rester isolée ?", poursuit Élodie Allais. "Il y a une privation de liberté, donc c'est vital pour moi de sortir", insiste la patiente.

Pour parvenir à faire respecter l’isolement strict, il faut un accompagnement, une éducation thérapeutique, explique Élodie Allais : "C'est une personne qui vit seule, donc c'était important, selon son médecin généraliste, de pouvoir lui répéter les mesures barrière, la rassurer dans sa capacité à les respecter aussi", précise la psychologue.

Il s'agit d'accompagner la patiente, de la soutenir ponctuellement pendant cet isolement. Cela peut aussi permettre de vérifier qu'elle dispose de tout ce dont elle a besoin.

Elodie Allais, psychologue

à franceinfo

"Dans l'immeuble, je suis bien avec tout le monde, raconte Adèle. Si j'ai besoin de quelque chose, je sais que j'ai la voisine immédiate qui me rendrais service". Et en cas de besoin, des solutions"de portage de courses par les associations existent. On a tout un annuaire de possibilité sur la région", explique Élodie Allais.

Un débat sur les sanctions au parlement

Accompagner, encourager, convaincre les patients de respecter leur isolement. C’est ce genre de dispositif que souhaite développer le gouvernement. Il en existe aussi à Marseille et en région parisienne. Emmanuel Macron est pour les généraliser en s’appuyant davantage sur un vaste réseau de solidarité, d’aide : les voisins, les associations comme la Croix-Rouge, les communes, ou encore les professionnels de santé. Mais que se passera-t-il pour celles et ceux qui, malgré ces aides, ne respecteraient pas l’isolement ? Le chef de l'Etat a parlé de mesures "y compris contraignantes".

>> Covid-19 : l’isolement des malades "est une partie de la solution, en attendant une approche vaccinale", estime le professeur Gilles Pialoux.

Faut-il des sanctions, des amendes, voire des peines de prison ? C’est la menace brandie dans de nombreux pays européens. Le Conseil scientifique et le gouvernement français n’y sont pas favorables, mais un débat aura tout de même lieu au Parlement. "La philosophie du gouvernement, c'est la responsabilisation et la confiance. Ça n'empêche pas d'avoir un débat démocratique", expliquait Olivier Véran, il y a quinze jours.

Est-ce que nous sommes en mesure aujourd'hui d'accepter démocratiquement des mesures de contrôle des personnes qui seraient mises à l'abri pour éviter qu'une personne potentiellement dangereuse ne sorte ?

Olivier Véran, ministre de la Santé

"Je ne suis pas intimement convaincu de ce que je vous dis, je signale juste que cela peut faire l'objet d'un débat démocratique qu'il faut avoir au calme. Ça justifie un débat démocratique", concluait le ministre de la Santé.

De la peur de perdre son travail... à l'obligation de sortir son chien

Pourquoi soumettre cette question du respect de l'isolement par les malades du Covid-19 au Parlement ? Parce qu'il faudrait passer par une loi pour obliger certains citoyens à rester chez eux. C’est une question difficile à trancher, estime la psychologue Élodie Allais. Nombreux sont les malades qui brisent l’isolement parce qu’ils ont "de bonnes raisons" et pourraient constituer des exceptions. Ils s’occupent d’une personne dépendante, ils sortent travailler de peur de perdre leur emploi... D'autres ont des obligations plus anodines : "Ça peut être de vivre seul avec un chien et d'être dans la nécessité impérieuse d'aller le sortir une fois par jour, dans la rue ou en bas d'un immeuble. Tout ça, ça peut être des bonnes raisons", juge la psychologue.

Pour Jean-Pierre Thierry de l’association de patients France Assos Santé, des sanctions pourraient aussi être contre-productives dans la lutte contre l'épidémie. "Si on met en avant les contraintes, c'est à dire les amendes, si on n'est pas loin d'évoquer la prison, en fin de compte, les gens vont refuser de se faire tester et ce serait l'effet inverse recherché", car on ne briserait plus alors les chaînes de contamination selon lui. 

Face à ce débat de société important, le gouvernement et une partie de la communauté médicale préfèrent aujourd’hui convaincre, expliquer pour faire accepter les consignes et les restrictions aux personnes contaminées. Mais tout en gardant à l’esprit la possibilité d’une sanction.

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