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Inflation : comment les responsables d'entreprise gèrent-ils les hausses de salaires ?

L'inflation a fait ressurgir dans tous les secteurs la question des augmentations de salaires. Le choix de franceinfo donne la parole à des dirigeants qui ont décidé d'augmenter la rémunération de leurs salariés.

Article rédigé par franceinfo - Boris Hallier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Illustration bulletin de paie. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Les salaires des Français ont augmenté en 2022 de 3%, contre environ 1% les années précédentes. Mais les prix, eux, continuent à s'envoler et rendent ces augmentations insuffisantes pour assurer le maintien du pouvoir d'achat. Les entreprises doivent donc naviguer entre deux écueils : satisfaire leurs salariés et préserver leur compétitivité.

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L'équation peut être complexe dans certaines petites et moyennes entreprises. Chez Etna France, fabricant d'ascenseurs et de monte-charges dans l'Eure, la centaine de salariés a l'habitude d'être augmentée tous les ans d'environ 2%. C'est donc moins que l'inflation et le patron Vincent Bronze l'assure, il ne peut pas faire plus : "La brutalité des augmentations stratosphériques des matières qui composent 45% de nos prix, grignotent complètement nos marges et ne laissent quasiment aucune possibilité de faire plus d'un point de vue salarial. C'est quelque chose qui, finalement, est nouveau. L'inflation, on n'en avait quasiment pas depuis presque 20 ans. Donc ce qui nous arrive est une nouveauté à laquelle il faut nous adapter."

Plusieurs outils à la disposition des patrons

Pour s'adapter, le chef d'entreprise a privilégié la prime transport : 40 euros net par jour et par salariés. "Un salarié qui vient travailler cinq jours par semaine a touché une prime de 200 euros sur le mois de septembre, indique Vincent Bronze. C'est une prime unique, mais c'est le peu de marge qui nous reste pour filer un coup de main aux salariés. En même temps, les salariés sont tout à fait conscients des difficultés que leurs entreprises rencontrent. Les salariés qui écoutent les informations sont conscients de ça."

Augmentation de salaires, primes exceptionnelles, épargnes salariales... Les patrons ont quand même plusieurs outils pour améliorer le pouvoir d'achat de leurs employés. Il faut trouver le bon cocktail, explique Olivier Tricon. Il est le responsable d'une exploitation viticole en Bourgogne avec une vingtaine de collaborateurs. "En début d'année, nous en avons profité pour faire les primes Macron, raconte Olivier Tricon. Ensuite, au mois de juin, il y a eu une revalorisation des salaires de 3,5 à 5%. Et puis, on est en train de regarder pour faire une nouvelle prime, non pas cette année, mais peut-être en tout début d'année."

"Nous, on n'a pas de syndicats. Il y a vraiment une écoute dans les deux sens. Et moi, pouvant le faire, j'ai essayé d'en faire bénéficier mes salariés."

Olivier Tricon, responsable d'une exploitation viticole en Bourgogne

à franceinfo

Le pouvoir d'achat des salariés n'est pas la seule motivation. Les dirigeants tentent également de limiter le turn-over dans leur entreprise. Ces augmentations de salaires sont donc aussi un moyen de conserver les collaborateurs et de recruter les bons profils.

Des négociations rouvertes dans les grands groupes

Du côté des grands groupes, les calendriers des négociations salariales ont été bouleversés. D'habitude, direction et partenaire sociaux négocient une fois par an à l'occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO). Mais cette année 2022, face à l'inflation et à la pression des syndicats, de nombreuses entreprises ont été contraintes de rouvrir des négociations et d'accorder des augmentations supplémentaires. Il y a par exemple Carrefour, Michelin ou Air France.

"Ce qu'on constate, c'est que beaucoup d'entreprises ont anticipé les NAO 2023, qu'elles ont commencé à négocier dès le mois de septembre ou dès le mois d'octobre, explique Rodolphe Delacroix, spécialiste des politiques de rémunération chez Alixio, groupe de conseil pour les entreprises. On a maintenant beaucoup d'entreprises qui ont signé des accords avec des primes de partage de la valeur, qui est une ancienne 'prime Macron'. Elle permet d'envoyer un signe aux salariés et aux organisations syndicales, qu'on prend en compte le pouvoir d'achat et puis préparer des négociations sur des bases plus élevées que les précédentes."

Mais pour les syndicats, ces primes sont insuffisantes. Ils continuent à réclamer des hausses de salaires à la hauteur de l'inflation. "Paradoxalement, quand les entreprises vont très bien comme TotalÉnergies, qu'elles font beaucoup de profits, le dialogue social est plus difficile parce que les appétits sont plus importants, explique Rodolphe Delacroix. Et vous avez des entreprises qui ont des climats sociaux plus apaisés. C'est très difficile de généraliser. Mais ce qu'on voit, c'est quand même du côté des DRH une vraie prise de conscience de la nécessité de ne pas attendre et de faire des choses rapidement."

Mais avec des prix qui vont continuer à augmenter, l'inflation plus forte que prévu en 2023, les prochaines négociations de salaires s'annoncent mouvementées.

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