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"Il y a vraiment une reconquête à faire, sur le terrain" : la Fédération française de tennis cherche ses futurs prodiges

Roland-Garros, le deuxième tournoi du Grand Chelem de l'année, va se dérouler dans une ambiance particulière avec en toile de fond la crise sanitaire. Une partie du public sera de retour mais derrière cette bonne nouvelle, le tennis français ne se porte pas si bien.

Article rédigé par Fabrice Abgrall
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'édition du Ladies Open de Calvi (Haute-Corse), le 11 avril 2021. Illustration (MAXIME BECMEUR / FRANCE BLEU FREQUENZA MORA / RADIO FRANCE)

À trois jours du début des Internationaux de France de Roland-Garros, le tirage au sort s'est déroulé, jeudi 27 mai, dans le bureau du juge-arbitre, à huis clos. Et une belle surprise : Rafael Nadal, Novak Djokovic et Roger Federer s'affronteront potentiellement dès les quarts puis les demi-finales.

>> Roland-Garros 2021 : Richard Gasquet face à Hugo Gaston dès le 1er tour, les Français face à des gros bras

Si à l'international, on nous promet du spectacle, nos Français sont à la peine. Chez les hommes, il n'y a que deux têtes de série : Gaël Monfils et Ugo Humbert. Il faut dire qu'il n'y a plus que cinq Français dans le Top 50, dont quatre sont au-delà de la 30e place. Gaël Monfils n'a gagné qu'un seul match depuis 15 mois, Tsonga une seule victoire depuis le début de l'année, deux pour Gilles Simon.

Chez les femmes, c'est pire : aucune d'entre elles ne sera tête de série. Il n y a plus que quatre Françaises dans le top 100 et elles sont toutes au-delà de la 50e place mondiale. Au vu de l'état des lieux, il n'est même pas certain qu'il y ait des Français et des Françaises en deuxième semaine.

Une perte de licenciés en France

Et ce n'est pas le seul signe de morosité. La Fédération française de tennis perd des licenciés. Et cela ne date pas d'hier : la FFT a perdu 350 000 licenciés en 30 ans. Ils sont aujourd'hui 950 000 alors qu'en 1991, le nombre de licenciés s'élevait à 1,3 million. Un record jamais dépassé ni égalé ! C'était tout juste après la victoire de la France en Coupe Davis avec les Noah, Forget et Leconte. À l'époque, le tennis français surfait encore sur la vague d'un sport qui s'est démocratisé à la fin des années 1970. C'est à ce moment-là que Tristan a débuté le tennis. Il est licencié au TC 16, Porte de St-Cloud à Paris. "J'ai rêvé, se souvient-il. J'ai rêvé devant ce sport qui était beau, qui était porté par des joueurs qui avaient des personnalités exceptionnelles en plus d'avoir des talents sportifs."

Vitas Gerulaitis, Guillermo Vilas, Björn Borg, John McEnroe, Jimmy Connors... C'était vraiment une époque extraordinaire.

Tristan, licencié d'un club de tennis à Paris

à franceinfo

Le tennis devient alors le deuxième sport en France en nombre de licenciés derrière le football. Il le reste, mais il ne fait peut-être plus rêver comme autrefois. Les joueurs français n'obtiennent peut-être pas non plus de grands résultats. Et puis, c'est un sport vieillissant qui n'a peut-être pas su se renouveler, ni attirer ou conserver les jeunes entre 15 et 30 ans.

Trois à quatre millions de pratiquants libres

Le problème vient aussi certainement de l'organisation du tennis en France. Actuellement, il y a deux catégories de joueurs et il faut bien les distinguer : d'un côté les licenciés affiliés à un club, et de l'autre les pratiquants non identifiés, évalués entre trois et quatre millions. Autant de joueurs qui potentiellement pourraient devenir des licenciés et peut-être même de futurs champions.

Encore faut-il les convaincre d'intégrer un club, et certains d'entre eux n'en voit pas l'intérêt. C'est le cas d'Alain et Daniel, rencontrés sur les courts municipaux de la ville de Paris. Ils pratiquent le tennis depuis 40 ans et payent 9 euros pour jouer une heure. "Tout dépend ce que j'y gagne, répond Alain. Quel intérêt d'être affilié à un club si finalement j'ai la même chose sans être affilié à un club ?" 

On ne m'a jamais expliqué l'intérêt d'être licencié.

Daniel, pratiquant libre

à franceinfo

Daniel pratique depuis des années sans être licencié. "Personne n'est venu essayer de m'expliquer pourquoi il faudrait être licencié, personne n'a essayé de me séduire, et puis j'ai trouvé mon bonheur comme ça", assure-t-il.

Une "reconquête à faire sur le terrain"

Les pratiquants et les licenciés tiennent le même discours parfois. Ils se rejoignent notamment pour dire que la Fédération n'est pas assez présente auprès des joueurs dans les clubs ou ailleurs. "Pour ma part, je n'ai jamais rencontré de représentants de la fédération dans les clubs, regrette Tristan, et je pense que ce soit eux-mêmes soit via des partenariats, il y a vraiment une reconquête sur le terrain à faire pour retrouver des gens plus jeunes, pour redonner de la passion à des gens qui l'ont eu et qui l'ont perdue, effectivement peut-être pour des questions financières. Il y a un travail de terrain à faire comme il se fait dans d'autres sports."

La Fédération Française est parfaitement consciente du problème, à l'image de son nouveau président Gilles Moretton, élu en février dernier. Il combat et rejette l'idée que le tennis est un sport élitiste réservé à de riches privilégiés, capables de débourser parfois 1 000 euros pour intégrer un club.

Les cotisations pour intégrer un club sont trop élevées dans les grandes agglomérations, notamment à Paris. "La caricature, ce sont les grandes agglomérations où les clubs sont immenses et les cotisations sont très importantes, reconnaît Gilles Moretton, mais dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, le Cantal, qui est un petit département, il y a 19 clubs seulement, des petits clubs. Là, on peut pratiquer le tennis pour une cotisation à l'année de 50 euros."

On a la possibilité d'accéder au tennis pour toutes les bourses, maintenant, le tennis a besoin peut-être de combattre cette image qu'il peut avoir. Mais ça l'était dans les années 1980, je pense que ça l'est beaucoup moins maintenant.

Gilles Moretton, président de la FFT

à franceinfo

La solution serait peut-être d'adapter la cotisation en fonction des revenus des joueurs désireux d'intégrer un club. Gilles Moretton est aussi parfaitement conscient que la Fédération a un travail de séduction à fournir pour faire venir ou revenir les joueurs dans les clubs. "Il faut absolument que pour cette clientèle, on trouve le produit adapté, juge-t-il. Ceux-là ne sont pas des gens qui veulent faire de la compétition, ce sont des gens qui veulent faire du loisir, donc c'est à nous de faire évoluer la façon dont on doit concevoir notre licence. On n'a pas forcément que des compétiteurs, deux-tiers de nos licenciés ne font pas de compétitions. Ils jouent juste pour le plaisir de se retrouver, et le lien social est très important."

La Fédération Française de Tennis va occuper le terrain. Gilles Moretton est déterminé à organiser un Tour de France des clubs et il s'entourera de joueurs illustres passés ou actuels pour que les licenciés et les pratiquants puissent jouer, parler et échanger avec des professionnels. Gille Moretton souhaite dans ce travail de séduction que les pros rendent au tennis ce que le tennis leur a donné.

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