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Guerre en Ukraine : à Odessa, comment civils et militaires se préparent à une offensive russe dans les airs et sur terre

Le grand port du sud militarise sa côte sur la mer Noire. Les habitants redoutent aussi un débarquement des troupes russes.

Article rédigé par franceinfo, Vanessa Descouraux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des habitants remplissent des sacs de sable pour former des barricades le long des plages d'Odessa (Ukraine), face à la mer Noire, lundi 7 mars 2022. (BULENT KILIC / AFP)

Depuis le début de la guerre en Ukraine, tout a changé à Odessa, troisième ville du pays, même la couleur des plages. Elles sont devenues sombres, marron par endroits, parce qu’elles se vident de leur sable clair. Ce sable est ramassé, raclé pour finir dans des sacs de protection. Les bénévoles se donnent rendez-vous au Yacht Club de la cité portuaire du sud du Pays. Ils creusent, pelle à la main, remplissent ces sacs qui seront déposés partout en ville.

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D’ordinaire, c’est une adresse un peu "bling bling". On loue un bateau à la journée ou au mois pendant l’été, c’est un endroit que Nick Kobzar connaissait bien pendant la paix, cet architecte y avait ses habitudes : "Tous les habitants d’Odessa connaissent cet endroit, particulièrement ceux du centre. Ce n’est pas le seul endroit où l’on ramasse le sable, les résidents de la ville font tout ce qu’ils peuvent pour renforcer nos positions près de la mer."

"Un débarquement serait un suicide pour les Russes, ils se battront et ils finiront de la pire des manières."

Kick Kobzar, architecte, habitant d'Odessa

à franceinfo

Le patron de ce club nautique estime que, depuis le début de l'offensive russe en Ukraine, 300 000 sacs ont été préparés avec le sable de ces plages alentours. Près de 300 bénévoles viennent chaque jour.

Des plages minées pour la plupart

L'hypothèse d’un débarquement russe sur les plages d’Odessa est-elle vraiment prise au sérieux par l’armée ukrainienne ? Pour avoir une réponse, peut être partielle - parce que tout ne se dit pas dans un contexte comme celui-ci - nous nous sommes rendus au commandement du front sud de la ville. Nous y avons rencontré l’officier Diana Kraïnova. Elle parle russe dans sa vie de tous les jours, comme la plupart des habitants d’Odessa car c’est une ville russophone, mais pour franceinfo elle a tenu à tout prix à parler en ukrainien : "Il y a un risque énorme qu’ils bombardent, à proprement parler de la mer, parce qu’ils ont envoyé des navires avec une capacité importante pour larguer des missiles, mais aussi des navires plus légers pour débarquer. Certaines parties du front de mer sont minées."

"La grande partie de nos plages est minée et interdite aux civils. Nous avons aussi des groupes mobiles qui observent la mer jour et nuit pour transmettre des informations et surveiller."

l'officier Diana Kraïnova

à franceinfo

Un collègue de l’officier Kraïnova nous explique que les Ukrainiens sont comme des abeilles : paisibles quand on les laisse faire leur miel mais si quelqu’un vient à les attaquer, alors les abeilles deviennent furieuses. C’est la métaphore qu’il a trouvé pour expliquer l’état d’esprit qui règne dans le pays.

Un œil vers la mer, l'autre vers la Transnistrie

L’histoire militaire d'Odessa est lourde. En 1941, la ville résiste 73 jours à une offensive nazie. La cité portuaire porte en elle la victoire face à un siège, face à quatre tentatives d'invasion. Malgré ce passé résistant, les habitants continuent de regarder leur mer, la mer Noire. Pour une fois, ils la regardent avec inquiétude, à l’image de Vitalij Orlof, journaliste et professeur d’université : "Pendant la guerre tout est possible. Pour faire un débarquement bien préparé, il faut d'abord s'approcher d'Odessa. Personne au sein du commandement militaire ne veut donner cette possibilité-là."

"Quand je vois ces barricades je me souviens de mes aïeux qui ont subi, qui ont survécu à Odessa l'occupation nazie."

Vitalij Orlof, journaliste et professeur d'université

à franceinfo

Il n’y a pas que la mer que les habitants de la ville surveillent. Ils gardent un œil un peu plus à l’ouest, verse la Transnistrie, territoire autonome auto proclamé située en Moldavie voisine. Des troupes russes y stationnent depuis une trentaine d’années, sans aucune transparence sur leurs mouvements. Des soldats inactifs, certes, mais bien présents à quelques kilomètres de là. Et rien que cette présence devient une menace, qui accentue une tension déjà très forte dans la ville.

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