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Covid : à bord de l'A350 transformé en "réanimation volante" pour évacuer des patients depuis la Guadeloupe

Pour la première fois depuis le début de l’épidémie de Covid-19, nous avons eu l'autorisation de suivre une opération d'évacuation sanitaire de malades graves de bout en bout, de la Guadeloupe vers la métropole. Nom de code de l’opération : Hippocampe 8.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
12 malades du Covid-19 sont évacués de la Guadeloupe vers la métropole à bord d'un Airbus A350. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO)

Une nouvelle évacuation sanitaire a eu lieu depuis la Guadeloupe : au total, douze patients malades du Covid-19 ont été évacués vers la métropole. Une opération d'évacuation sanitaire pour soulager les hôpitaux de la Guadeloupe mais qui ne s'effectue pas sans crainte. franceinfo a embarqué ce week-end du 4 septembre à bord de l'avion qui a évacué ces douze malades. Nom de code de l’opération : Hippocampe 8.

Il s’agit d’un avion d’Air Caraïbes, un A350 qui transporte d’habitude des vacanciers. Pour cette opération hors norme, l'Airbus a été complètement transformé pour pouvoir embarquer douze patients graves, endormis et intubés. 

Première étape : faire monter les malades dans l'avion avec les centaines de kilos d'appareils médicaux qui permettent de les maintenir en vie. Mais dans cette opération hors norme, les soignants qui les accompagnent font face à plusieurs difficultés. Les brancards à roulettes ne passent pas, les allées sont trop étroites. Les secouristes n'ont alors pas d'autre choix que de s'adapter avec les moyens du bord. "On a essayé d'améliorer le process, de façon à ce qu'on mette en place des systèmes de trolleys où on peut poser les civières dessus", explique Pierre qui gère la logistique de la mission. 

À bord de l'avion, une vingtaine de médecins et infirmiers venus de toute la métropole continuent les soins sur les patients. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO)

Les patients sont sanglés et roulent de la même façon qu'un chariot de plateaux-repas. "C'était très dur, au début des missions : on faisait ça à dos d'homme. Les brancardiers appelaient ça 'faire la tortue', avec la civière qui était sur eux pour avancer de façon horizontale", ajoute-t-il. Les dossiers des sièges de l’avion ont été rabaissés afin d’installer des civières. Un laboratoire d’analyses a même été installé à l’arrière de l’avion, à l'endroit où, en temps normal, les hôtesses et stewards réchauffent les plateaux-repas des passagers.

Continuer les soins à bord

Sitôt en l’air, une vingtaine de médecins et infirmiers venus de toute la métropole commencent les soins sur les patients. "Celui que j'ai pris en charge c'est une surveillance en continu, il y a toujours des médicaments à changer. On le masse, on le tourne, on le change, puis on lui met un peu de pommade sur les yeux pour éviter les escarres ou les ulcères de cornée. On ne change rien à ce qui marche habituellement sur le plancher des vaches", détaille l'un des soignants à bord.

La période la plus instable, c'est ce moment-là, c'est vraiment quand on les bouge. Quand ils sont dans leur chambre, ils sont statiques, ils n'ont pas cette capacité à se dégrader qu'ils ont en transports.

Un soignant à bord de l'Airbus A350

à franceinfo

L’espace est restreint, les soignants enjambent les sièges, montent sur les accoudoirs. En théorie, les patients ont été sélectionnés car leur état de santé est suffisamment stable pour supporter les huit heures d’avion. "Douze patients lourds en même temps dans un avion, c'est une fierté", ajoute le soignant interrogé.

Faire face aux imprévus

La difficulté réside aussi dans les imprévus et dans le fait de ne pas pouvoir atterrir en cas de problème. Marie-Emmanuelle, infirmière anesthésiste au Samu de Versailles, a dû réagir très vite face à la fréquence cardiaque d'une patiente en chute. "Il a fallu qu'on refasse un médicament pour accélérer le cœur, ça a fonctionné, le petit coup de chaud est passé", souffle-t-elle.

L'objectif est que le patient arrive à sa réanimation de destination dans la situation la plus similaire à celle de départ.

Lionel Lamhaut, du Samu de Paris, est le chef de la mission

à franceinfo

Pour cette évacuation sanitaire, une tonne et demie de matériel médical se trouve à bord de l'avion. "J'aime bien utiliser les mots de 'réanimation-volante', ça demande de relever un défi : comment gérer l'électricité en vol, comment gérer la quantité d'oxygène en vol, un oxygène particulier puisqu'il s'agit de bouteilles dites aéronautique pour éviter tout risque d'explosion en vol", détaille Lionel Lamhaut, chef de la mission.

Dans cet Airbus A350, les soignants s'adaptent pour apporter tous les soins nécessaires aux patients. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO)

Le pilote de l’avion lui-même a reçu des consignes. "Nous limitions l'altitude de vol, nous avons actuellement une altitude de 5 000 pieds cabine ce qui correspond à 1 500 mètres, précise le commandant Christophe Baillon. La pression est diminuée pour les personnes qui sont sur les civières [car] l'organisme supporte mieux une altitude plus faible."

D'habitude, c'est plein de passagers qui partent ou qui reviennent de vacances. On travaille aussi bien pour les bons moments, quand on a besoin d'emmener nos passagers en vacances ou de les ramener en métropole, que pour les mauvais moments, dans ces conditions-là. On se devait d'être présent.

Christophe Baillon, commandant de bord

à franceinfo

Combien coûte cette opération ? Plusieurs centaines de milliers d’euros pour chaque vol. Mais la vie de ces douze patients a-t-elle un coût, s’interrogent François Braun, président de Samu-urgences de France, et Mounir Kamboua, médecin au Samu de l’Essonne. "Je ne vais pas dire 'quoi qu'il en coûte', mais en tout cas, je pense que pour faire face à cette pandémie, il ne faut pas regarder. Ça sauve des vies et c'est ça, pour nous, qui est important, précise François Brun. Ce n'est que douze patients mais ça représente la moitié des lits de réa normalement en Guadeloupe hors Covid, ça représente un huitième de leur place aujourd'hui, ce n'est pas rien", poursuit Mounir Kamboua.

Au bout de huit heures de vol, l’avion se pose. Les patients sont évacués en ambulance vers les hôpitaux franciliens. La mission Hippocampe 8 est terminée. Cette semaine, quatre autres évacuations aériennes de malades sont prévues depuis les Antilles et, peut-être bientôt, une autre depuis la Polynésie.

À bord de l'A350 transformé en "réanimation-volante" pour évacuer des patients Covid depuis la Guadeloupe - Le reportage de Solenne Le Hen

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