Charges sociales, loyer, voiture... Pourquoi les médecins généralistes affirment "ne pas s'en sortir" avec une consultation à 26,50 euros

Après avoir obtenu une augmentation d'1,50 euro lors des dernières négociations, les syndicats de médecins généralistes demandent une nouvelle hausse de la consultation à 30 voire à 50 euros, contre 26,50 euros actuellement.
Article rédigé par Anne-Laure Dagnet
Radio France
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La docteure Delphine Tortiget en consultation dans son cabinet de Cergy (Val d'Oise), février 2024 (ANNE-LAURE DAGNET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Les médecins généralistes vont-ils obtenir que le prix de la consultation passe à 30, voire à 50 euros, comme le réclament certains syndicats professionnels ? Les généralistes attendent, en tout cas, beaucoup de la troisième séance de négociations avec la Cnam, qui se tient jeudi 8 février. Les praticiens affirment qu'ils ne s'en sortent pas avec une consultation à 26,50 euros.

Un médecin généraliste gagne, en moyenne, 7 500 euros net par mois. Comment justifier cette demande d'augmentation ?

À Cergy, dans le Val d'Oise, Delphine Tortiget travaille dans un centre médical depuis 13 ans. Elle enchaîne les consultations, qu'elle fait payer au tarif réglementaire : 26,50 euros pour une consultation simple. Et elle ne s'y retrouve pas, notamment à cause de l'inflation : "Ça ne suffit pas pour rattraper le niveau de l'inflation. Il faudrait que ce soit à 30 euros. Par exemple, moi je gagne à peu près 16 000 euros par mois, parce que ça a un peu baissé. Il y a les charges sociales, le loyer, le salaire des secrétaires, les fournitures, le remplaçant, la voiture. C'est à peu près 9 000 euros de charges tous les mois. Donc oui c'est bien 7 000 euros qui restent, sauf que moi je travaille 49 heures devant les patients et j'ai à peu près six heures lissées de travail en plus, en dehors."

7 000 euros par mois, c'est beaucoup. Mais sur 55 heures par semaine multipliées par quatre, cela donne 32 euros de l'heure. Après dix ans d'études, elle estime que ce n'est pas assez. Le docteur Tortiget voudrait aussi voir augmenter l'enveloppe qu'elle touche comme médecin traitant. Parce que tous ces bonus peuvent permettre d'attirer des postulants. C'est un gros enjeu quand on sait que près de sept millions de personnes n'ont pas de médecin traitant : "C'est une des solutions pour attirer des médecins dans l'exercice de médecin généraliste traitant. Il y a beaucoup de médecins généralistes qui ne le font pas. On n’en a déjà pas assez, alors si on peut les réattirer vers le métier, pour le bien de tout le monde..." En dix ans, le nombre de médecins généralistes libéraux a chuté de 11%, ils sont environ 57 000 à exercer en ville aujourd'hui.

Certains généralistes ont déjà fixé leur consultation à 50 euros

Certains n'ont pas attendu l'issue de ces négociations avec l'assurance maladie. Ils sont déconventionnés, c’est-à-dire qu'ils n'ont plus de comptes à rendre à la Sécu et que l'assurance maladie ne les finance pas. Ils sont une poignée, un peu plus de 500 d'après la Cnam.

Le docteur Arnaud Lerouge, par exemple, médecin à Cambrai (Nord). Comme il s'est déconventionné, ses patients ne sont pas du tout remboursés. Alors évidemment, ils sont moins nombreux à défiler dans son cabinet chaque jour : "Je suis passé de 40 patients à environ 25 à 30 patients. Ce qui fait qu'à la fin, j'ai un chiffre d'affaires en augmentation légère, ce qui permettra de payer la fameuse inflation de l'année dernière. Et d'inclure ce que le patient ne voit pas : comme les instituteurs à l'école, il y a un temps de travail hors présence du patient. Le soir, comme mes collègues conventionnés, je rouvre l'ordinateur à 23 heures, pour regarder les biologies, pour envoyer des messages aux secrétaires, pour envoyer des messages aux patients par mail. Parfois à minuit quand il y a besoin, en urgence, de refaire un contrôle biologique le lendemain. Ça, c'est un travail qui n'est absolument pas rémunéré."

Le Dr Arnaud Lerouge, à Cambrai (Nord), février 2024 (ANNE-LAURE DAGNET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Ce médecin assume sa consultation à 50 euros. Il reconnaît que son tarif élevé a fait fuir certains de ses patients. Ceux qui restent prennent rendez-vous uniquement quand ils en ont vraiment besoin : "Effectivement, les patients se raisonnent un petit peu, là où avant j'étais assommé de travail. Quand c'était la grippe, tout le monde les uns derrière les autres ; quand c'était la gastro, c'était le tour de la gastro. Là les gens s'hydratent à la maison, vont peut-être chercher du Smecta à la pharmacie. Sauf s'ils ont besoin d'un arrêt maladie, ils vivent leur vie et ils se rendent compte que le temps de prendre rendez-vous, ils sont guéris." Le docteur Lerouge adapte ses tarifs. Quand un patient n'a pas les moyens, il baisse sa consultation à 30 euros et parfois c'est même gratuit.

D'autres médecins pourraient voir leurs tarifs augmenter

Les psychiatres et les pédiatres sont encore moins rémunérés que les généralistes, déjà en bas de l'échelle parmi les médecins libéraux. Pour comparer, un psychiatre en ville gagne en moyenne 5 800 euros, un pédiatre un peu plus de 6 000 euros par mois alors qu'en moyenne les spécialistes sont au-dessus de 9 000 euros par mois. Revaloriser les psychiatres et les pédiatres, ça permettrait d'attirer des jeunes médecins vers ces spécialités en tension.

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