Inscription de l'IVG dans la Constitution : la majorité présidentielle ne désespère pas de convaincre le Sénat

Le gouvernement a franchi sans souci l'étape de l'Assemblée nationale pour l'inscription de l'IVG dans la constitution. Ce sera plus compliqué au Sénat à la fin du mois.
Article rédigé par franceinfo, Aurélie Herbemont
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Le Sénat, le 2 octobre 2023. (photo d'illustration) (JEAN-BAPTISTE QUENTIN / MAXPPP)

Après avoir été votée à l'Assemblée nationale, la constitutionnalisation de l'IVG doit franchir l'étape du Sénat à la fin février. "Ce sera dur mais on peut y arriver", espère une ministre. Le gouvernement a face à lui Gérard Larcher, pour qui la Constitution ne doit pas être "un catalogue de droits sociétaux", mais aussi le patron du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, et celui de l'Union centriste, Hervé Marseille. Autant dire que le gouvernement doit fracturer la majorité sénatoriale, sinon "la liberté garantie" pour les femmes de recourir à l'avortement ne sera pas constitutionnalisée à court terme.

L'exécutif rêve d'y aboutir avant le 8 mars, la Journée des droits des femmes. C'est, en partie, ce calendrier contraint qui a braqué les sénateurs. "Le mode d'emploi, c'est de les respecter", peste un dirigeant de la majorité, "on ne dit jamais à Larcher tu votes vite ce qu'on te dit". Il faut donc amadouer les sénateurs. Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti assure qu'il va "convaincre le Sénat avec détermination, humilité et respect". Lundi, il est passé dire bonjour au groupe Union centriste qui était en séminaire à Aix-en-Provence ; comme lui aussi était en déplacement là-bas, ça tombait bien.

Paraître moderne ou "ringard"

Une opération séduction, même si en privé, des ministres préfèrent appuyer là où ça fait mal : "les sénateurs de droite veulent-ils être du mauvais côté de l'histoire ?", "veulent-ils être à la remorque du RN ?". Les troupes de Marine Le Pen ont en effet majoritairement voté pour à l'Assemblée. Autre argument utilisé en coulisses : "LR veut vraiment commencer sa campagne européenne comme ça ?" Un cadre Renaissance enfonce le clou : "Ce sera l'occasion d'exploser François-Xavier Bellamy [le candidat LR] pour de bon." Bref, la tentation c'est de jouer les modernes contre les "ringards".

Ces arguments peuvent porter. "Je suis dans le camp de la modernité, confie une sénatrice LR, et je ne suis pas seule !" Un élu est formel : "Tous les sénateurs de droite ne suivront pas Retailleau dans sa croisade." Un dirigeant LR s'inquiète des risques en termes d'image : "L'IVG, c'est la droite avec Simone Veil. On ne doit pas tomber dans le piège, tout ça pour 'en mettre une' à Macron !"

En clair, le gouvernement a des marges de manœuvre pour rallier des sénateurs à sa cause. Une ministre se propose de les appeler "un par un", mais une de ses collègues met en garde : "On ne doit pas s'y mettre tous, sinon ils vont croire qu'on est en panique." Et de citer l'épisode des retraites. "Tout le monde appelait les députés LR sans arriver au même nombre d'élus favorables, car ils ne disaient pas la même chose à chaque interlocuteur !" L'élu LR est à manier avec précaution.

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