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"Ce que je n'avais pas vu venir, c'est l'ambition d'Emmanuel" : Jean-Pierre Jouyet raconte dans un livre l'ascension de Macron vers l'Elysée

Ancien secrétaire général de l'Elysée sous François Hollande et ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Jouyet raconte dans "L'Envers du décor" quarante ans de vie politique française. Et l'éclosion d'Emmanuel Macron

Article rédigé par franceinfo - Neila Latrous
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jean-Pierre Jouyet, alors secrétaire général de l'Elysée, et Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, le 10 septembre 2014. (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

C'est un livre règlement de compte qui sort jeudi 8 octobre, L'Envers du décor (Albin Michel), signé d’un homme qui connaît très bien l’Elysée, et qui a été considéré comme l’un des mentors politiques d’Emmanuel Macron : Jean-Pierre Jouyet. Jean-Pierre Jouyet, pour resituer, est un haut fonctionnaire, ancien directeur du Trésor, qui a servi quatre présidents depuis Jacques Chirac, à divers postes. Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes sous Nicolas Sarkozy, secrétaire général de l’Elysée sous François Hollande, il est celui qui repère Emmanuel Macron quand il n’est encore qu’un jeune inspecteur des Finances. C’est lui qui l’emmène à l’Elysée comme secrétaire général adjoint, puis qui plaide pour sa nomination comme ministre de l’Economie. C’est l’un de ceux qui le connaissent le mieux, et celui qui a les mots les plus durs aujourd’hui à son endroit.

"J’ai depuis ouvert les yeux"

Jean-Pierre Jouyet raconte comment il apprend la candidature d'Emmanuel Macron à la présidentielle par les médias en 2016. "Ce que je n’avais, moi, pas vu venir, c’est l’ambition d’Emmanuel. Le 16 novembre 2016, j’apprends sa candidature par les médias. Malgré notre proximité depuis tant d’années, il n’a pas jugé utile de m’informer de ses intentions", raconte Jean-Pierre Jouyet. Il est "surpris" mais se réjouit de cette annonce. "J'éprouve une joie sans réserve (...). Mon ancien protégé, que j'ai couvé depuis 2005, appuyé comme secrétaire adjoint à la présidence de la République, en 2012, puis comme ministre de l'Economie, en 2014, a le cran d'aller au bout de ses ambitions !"

La déception est d'autant plus grande.  "Le lendemain, il m’appelle et je crois que c’est pour partager l’excitation du moment avec moi, sans attendre le dîner qui doit nous réunir (...) quelques jours plus tard (...). 'Jean-Pierre tu comprendras que vu les circonstances, je ne peux pas venir dîner chez toi.' J’accuse le coup. Je suis passé en l’espace de 24 heures du statut de mentor à celui d’infréquentable. J’incarne sûrement le passé et le présent, bien loin du 'nouveau monde' qu’il veut dessiner. Je suis devenu gênant, encombrant. Le meilleur ami d'Hollande n'a pas sa place dans le roman-feuilleton d'une aventure personnelle dont il écrit les premières lignes. Derrière le fervent disciple, je n'avais pas vu pointer le nouveau roi !"

Dénué de tout affect, Jupiter utilise toutes les armes de sa séduction pour valoriser son propre ego, démesuré diront certains. D’où ce rejet visible, presque enfantin, de tous les proches avec lesquels il a 'partagé' les moments et les sentiments qui semblaient les plus amicaux.

Jean-Pierre Jouyet

"L'Envers du décor"

"J’ai depuis ouvert les yeux, poursuit Jean-Pierre Jouyet, et remarqué l’écart qui existe chez lui entre la parole et les actes (...) Comme moi il vient de la classe moyenne. Comme moi il a été élevé en province. Mais son caractère, son intelligence, ses ambitions l’ont conduit très tôt à vouloir 'monter à Paris' pour s’intégrer aux élites intellectuelles."

Jean-Pierre Jouyet est assassin avec Emmanuel Macron, mais aussi avec son entourage, accusé de duplicité, dans le livre. Philippe Grangeon par exemple, conseiller politique d’Emmanuel Macron jusqu’il y a peu. "Sans doute est-il la seule personne qui dans ma vie m’a laissé d’une indifférence totale, écrit Jean-Pierre Jouyet. Sa prétendue sagesse confine à l’ennui". Ou encore deux ministres, celle des Armées Florence Parly et celle du travail Elisabeth Borne, "deux grands consciences de gauche qui me battaient froid avec tant de morgue quand j’étais ministre de Nicolas Sarkozy", ironise Jean-Pierre Jouyet, rappelant qu’elles siègent depuis 2017 dans des gouvernements dirigées par deux Premier ministre de droite. "Dans le Petit-Paris des ambitions, le contorsionnisme fait partie des disciplines homologuées."

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