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Dix ans après la catastrophe nucléaire, Fukushima reste vidée de ses enfants

Le Japon vivait en mars 2011 l’une des plus graves catastrophes nucléaires de l’Histoire, après un terrible tremblement de terre et un tsunami. Aujourd’hui encore, la situation radiologique ne permet pas la reprise d'une vie normale.

Article rédigé par Anne-Laure Barral
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des jeux pour enfants abandonnés à Fukushima, au Japon, en février 2021. (PHILIP FONG / AFP)

La terre tremble le 11 mars 2011 au Japon. Un tsunami se déclenche et provoque la catastrophe nucléaire de Fukushima. Près de 100 000 habitants partent de force d’une zone grande comme la Martinique (1 100 km2) autour de la centrale accidentée. Depuis, une armée de travailleurs a décapé les sols des jardins, des champs, des cours de récréation, a élagué les arbres, a nettoyé les toits des maisons, les rues, les trottoirs pour faire baisser le niveau de radioactivité de 80% et permettre aux habitants des deux tiers de cette zone de revenir. Mais ils ne sont que 22% à être rentrés.

La préfecture de Fukushima a une plaine côtière, mais aussi d’immenses et magnifiques forêts qui recouvrent ses montagnes. Là, pas de décontamination possible, sauf d’une vingtaine de mètres autour des fermes. La radioactivité est une menace invisible. Par endroits, le césium et le strontium, sortis de la centrale, se sont déposés et vont rester puissants pendant au moins 30 ans. Alors pas question de se promener dans les bois, de manger des baies sauvages, des champignons ou du gibier.

La radioactivité c’est une histoire de dose, mais aussi de durée, elle baisse avec le temps. L'iode 131, qui pose des problèmes de thyroïdes, n'a une durée de vie que de huit jours. Mais il y a la forte dose qui peut provoquer la mort, comme on l’a vu sur les pompiers de Tchernobyl, et les effets de plus faibles doses à long terme. Des travaux publiés dans The Lancet en 2015 sur une large cohorte de travailleurs du nucléaire, mais aussi du milieu médical, ont montré des associations entre les doses reçues et certaines maladies, comme des leucémies, au bout de 30 ans.

Si aujourd’hui, il y a encore débat sur les effets des faibles doses, sur comment on calcule ces doses entre les béquerels émis par les radioéléments et comment le corps les reçoit, il y un consensus scientifique pour dire qu’à partir de 100 millisiverts reçus dans toute sa vie, le risque de cancer est élevé. On comprend pourquoi aucune famille ne veut vivre dans des endroits, où l’on s’expose à 20 ou 50 millisiverts par an.

Même si certains villages ont retrouvé des doses proches de ce qu'il y avait avant l'accident, le milieu naturel n'a pas pu être décontaminé et d'ailleurs, après certains événements météo, comme le typhon Hagidis, les glissements de terrain, le ruissellement de l'eau de pluie rapportent des éléments radioactifs dans des zones pourtant nettoyées. C'est ce qu'ont repéré certains habitants, aidés par des ONG, comme Greenpeace International.

Pas de décès supplémentaires

Un rapport d'experts scientifiques auprès de l'ONU rappelle que les rayonnements ionisants de la catastrophe n'ont pas provoqué de décès chez les habitants. Il faut dire que la catastrophe s'est déroulée aux yeux de tout le monde, contrairement à Tchernobyl. L'accident a envoyé dix fois moins de radioactivité dans l'environnement que celui de 1986. Les consignes sanitaires de confinement, d'évacuation, de limitation de la consommation de certains produits, ont été très vite données.

De plus, le Japon a mis en place un gros suivi sanitaire des habitants. En dix ans, ils ont décelé 200 cas de cancers de la thyroïde chez les 300 000 enfants de la région. Ce n'est pas plus que dans d'autres endroits du pays. Ils ne sont donc pas attribués à la radioactivité de l'accident. Ce suivi médical est même lourd pour les enfants, ils doivent subir des opérations chirurgicales, pour des cancers qui parfois ne se déclarent que très tard. Si bien qu’aujourd’hui, certains médecins estiment que ce dépistage est plus préjudiciable pour eux que de les laisser tranquilles, à condition qu’ils ne retournent pas vivre dans des zones trop exposées.

Mais on ne peut pas dire que cet accident n’a pas fait de victimes non plus : l’évacuation massive des habitants a laissé des traumatismes. Plus de dépressions, plus d'alcoolisme, et de diabète qu'ailleurs. Pour ceux qui rentrent au pays, aujourd'hui, ils ne retrouvent pas leur vie d’avant, dans un Fukushima vidé de ses enfants.

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