Le virus qui fait pousser des ailes

Un virus du riz déploie une incroyable stratégie pour se répandre. C'est une découverte toute récente menée par des chercheurs chinois. L'infection de cicadelle par le virus de la rayure du riz provoque une hausse de la transcription d’un gène chez ses larves, qui provoque la présence du type "longues ailes" chez les insectes mâles.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
L'infection de cicadelle par le virus de la rayure du riz provoque une hausse de la transcription d’un gène chez ses larves, et peut donner des ailes aux larves mâles. (Illustration) (VW PICS / UNIVERSAL IMAGES GROUP EDITORIAL VIA GETTY IMAGES)

Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine Epsiloon nous parle aujourd'hui d'un virus capable de donner des ailes aux insectes.

franceinfo : C’est la découverte qui vient d’être faite par une équipe chinoise ? 

Mathilde Fontez : Oui, ce n’est pas un jeu de mots. Le virus donne vraiment des ailes : il déclenche vraiment la pousse d’ailes chez des insectes qui n’en avaient pas. Il s’agit d’un virus du riz répandu au Japon, en Chine et en Corée : le virus de la rayure du riz, il est très étudié pour son impact sur les récoltes. Mais on découvre seulement maintenant son pouvoir le plus fou : lorsqu’il s’attaque aux cicadelles qui vivent sur la plante – c’est un insecte qui ressemble un peu à une sauterelle.

Lorsque le virus s’attaque aux larves de cet insecte, il est capable de modifier la transcription de leurs gènes. Ça déclenche une cascade de réactions biochimiques qui finissent par provoquer la formation d’ailes : et la cicadelle s’envole. 

C’est la première fois qu’on voit ça ? 

En fait non : c’est tout un nouveau domaine de recherches qui s’ouvre depuis quelques années, et qui sidère les chercheurs. Par exemple, on avait déjà observé ce comportement en 2021, avec un autre virus, le virus de la mosaïque du concombre. 

Avec une stratégie encore plus retorse : le virus commence par faire jaunir la plante pour attirer les pucerons – qui aiment le jaune – avant de les infecter, et d’augmenter l’expression de deux gènes, pour entraîner la formation d’une nymphe rouge qui donnera des adultes ailés – les nymphes vertes donnent des adultes sans ailes. 

Alors, ça ne marche pas sur tous les insectes, seulement sur ceux qui sont dits polyphéniques : c’est-à-dire qu’ils peuvent avoir des ailes plus ou moins grandes – ou ne pas en avoir – en fonction de leur environnement : de la température, de la nourriture disponible.

Que ces insectes aient des ailes ou non, leur ADN reste le même. Le virus n’a qu’à basculer une sorte d’interrupteur biochimique pour lancer la machinerie d'expression des gènes. Mais tout de même, c’est une démonstration assez incroyable de la capacité d’un virus à modifier un organisme animal. 

Le but pour le virus, c’est de se répandre ? 

Oui, en donnant des ailes aux insectes, il augmente évidemment sa propagation. Cette découverte pourrait donc avoir de grosses implications en agronomie, en particulier pour le cas du riz. Reste à détailler tout le mécanisme. Reste aussi à comprendre pourquoi ce sont toujours les ailes qui sont ciblées : on pourrait imaginer des actions de ces virus sur d’autres fonctions des insectes, mais c’est toujours des ailes.  

Et ça pose des questions plus profondes, plus générales en évolution : quel impact des virus dans les caractères du vivant ? Ici, on a une sorte de coévolution des animaux et des virus… 

L'étude

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