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Le pinard du poilu

Quittons la route des vins de l’été pour nous arrêter sur le "jaja" de la tranchée, célébré avec force par la culture de guerre.
Article rédigé par Bertrand Dicale
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 15 min
  (©)

Pendant les quatre années de la Grande Guerre, les Français ont chanté – et beaucoup chanté. Mais l’écrasante majorité des chansons écrites pendant et à propos de cette immense épreuve collective n’ont pas été enregistrées et ont disparu des mémoires.

Nous avons exhumé les partitions de ces chansons, oubliées depuis près d’un siècle dans les bibliothèques et les archives : grands succès des vedettes de l’époque, chants des régiments, hymnes patriotiques ou comptines apprises aux enfants, mais aussi chansons antimilitaristes circulant sous le manteau, manifestations de la plus hystérique haine du Boche ou refrains des troupes coloniales…

Ces chansons ont été enregistrées par les voix du Chœur et de la Maîtrise de Radio France, et forment la matière de ces chroniques qui explorent les pensées, les colères, les rêves, les espoirs et les désespoirs des Français pendant la guerre.

Un coupage à 9°

Aujourd’hui, goûtons au pinard de l’intendance, ce vin que l’armée donne en quantité toujours plus grande aux soldats.

De quoi était composé le pinard distribué par millions de litres aux poilus ? Des coupages de vin à faible degré, notamment du beaujolais ou des charentes, avec des vins plus lourds du Languedoc et d’Afrique du Nord. Une seule consigne : 9°. Ni plus, ni moins.

Après, ce vin était mouillé, droguassé, bromuré, trafiquoté, et l’on ne peut pas dire qu’il avait toujours bonne réputation, surtout auprès de ses principaux consommateurs, les poilus. Voici un texte fameux de Marc Leclerc, du 71e  régiment d’infanterie territoriale :

 « Salut ! Pinard de l’intendance

Qu’as goût de trop peu ou goût de rien,

Sauf les jours où t’aurais tendance

A puer le phénol ou bien l’purin.

Y’a même des fois que tu sens l’pétrole,

T’es trouble, t’es louche et t’es vaseux,

Tu vaux pas mieux qu’ta sœur la gnole.

C’est sûr comme un et un font deux

Que les riz-pain-sel vous mélangent

Avec l’eau d’une mare à canards.

Mais qu’y faire ? La soif vous démange… » 

Dans cette chronique, vous entendez des extraits de : Dans les tranchées de Lagny par Francis Lemarque (1915, enregistrement de 1992)Le Pinard par le Chœur du 23e régiment d’infanterie de marine (1915, enregistrement de 1980)Le Pinard par Luc Barney (1915, enregistrement de 1964)Extrait de Le Père Pinard par Marc Leclerc (lu par Jean-Yves Chilot)Idylle de poilu par le Chœur de Radio-France (1915, enregistrement de 2014)Rosalie de Théodore Botrel (1914, enregistrement de 1964)

Retrouvez en intégralité les chansons des chroniques des semaines précédentes sur le site La Fleur au fusil de RF8, la radio numérique de Radio France.

La Fleur au fusil est aussi un livre sur les chansons de la Première Guerre mondiale, qui paraîtra en septembre et que vous pouvez déjà précommander sur le kiosque Radio France.

Vous pouvez également suivre l'actualité de cette chronique

Professeurs, lycéens et collégiens, France Info et l’Éducation nationale ont créé ensemble un site où vous pouvez trouver une centaine de chroniques sur des chansons chargées d’histoire, Ces chansons qui font l'histoire.

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