RIP sur la réforme des retraites : qui est Jean Maïa, le secrétaire général du Conseil constitutionnel qui a préparé la délibération
Les opposants à la réforme des retraites attendent de savoir si le projet d'organisation d'un référendum d'initiative partagée (RIP) peut se poursuivre : le Conseil constitutionnel doit se prononcer mercredi 3 mai sur une deuxième demande de référendum faite par la gauche. Ce référendum porterait sur une proposition de loi pour "interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans". Formulation légèrement différente de celle qui a été rejetée le 14 avril dernier.
Quand on évoque le Conseil constitutionnel, on parle souvent des neuf Sages qui vont se réunir mercredi à 9 heures pour délibérer. On parle aussi du président Laurent Fabius. Mais l'homme (il n'y a jamais eu de femme) qui pilote la préparation de cette décision, c'est le secrétaire général, un juriste de haut rang que vous n'entendrez pas parce qu'il ne parle jamais dans les micros - c'est lié à son caractère et encore plus à sa fonction. Il décrypte parfois en off les décisions pour les journalistes. D'ailleurs pour la première fois, le 14 avril, il avait carrément réuni la presse juste avant l'annonce de la décision sur les retraites, ce qui était inédit.
Jean Maïa a 52 ans, il est né à Antibes. Passionné de lettres, il a fait Normale sup rue d'Ulm avec Bruno Lemaire, puis Sciences po et l'ENA (promo d'Edouard Philippe, et de Benoit Ribadeau-Dumas qui étaient tous les deux à Matignon lorsqu'il est arrivé au Conseil constitutionnel en 2017, l'un comme Premier ministre, l'autre comme directeur de cabinet. Les trois sont d'ailleurs sortis de l'ENA dans la botte comme on dit, parmi les meilleurs et ont atterri ensemble au Conseil d'État.
Il a servi dans des ministères
Jean Maïa a ensuite été détaché sur toutes sortes de postes de juristes de la République, il a même fait du cabinet ministériel, chez Pierre Moscovici, ministre de l’Économie en 2012-2013. Dans un gouvernement de gauche donc, ce qui est rare, mais qui ne l'empêche pas d'être d'abord et avant tout un juriste. Celui qui avait eu l'idée de le nommer, c'était le directeur de cabinet du ministère qui est aussi un ami proche depuis l'ENA, Rémy Rioux, aujourd'hui directeur de l'Agence française du développement : "Il a servi Pierre Moscovici et il a fait avec les qualités de rigueur et du sens du service public, j'en témoigne, affirme-t-il, Mais enfin, ça ne peut pas faire de mal de savoir comment se prennent les décisions politiques, d'avoir soi-même participé, sur le banc derrière un ministre, aux votes de la loi du côté du gouvernement".
"Il a servi à Matignon, il a servi au ministère des Finances, il a servi au secrétariat général aux Affaires européennes. Maintenant, ça lui donne une expérience et une hauteur de vue pour comprendre en droit les questions qui lui sont posées."
Rémy Rioux, directeur de l'Agence française du développementà franceinfo
Le rôle de Jean Maïa est tellement central qu'on dit parfois du secrétaire général que c'est le dixième membre du Conseil constitutionnel. C'est lui qui organise le travail, il réceptionne et épluche la saisine, très rapidement, il fait une note de synthèse pour les neuf membres, en s'appuyant sur le service juridique composé de cinq personnes : un de l'Assemblée nationale, un du Sénat, un magistrat administratif, un magistrat judiciaire, et un universitaire. Et ils indiquent les décisions possibles, compte, formant, avec le président, un duo absolument central comme l’a expérimenté Jean-Louis Debré l’ancien président du Conseil constitutionnel. "Sa contribuition est très importante dans la mesure où toutes les notes envoyées aux différents membres passent par lui, explique-t-il. Après en avoir discuté avec le président, il décide de faire une note dans ce sens-là, quelle est la jurisprudence précédente, est-ce qu'on peut évoluer, ne pas évoluer... Il est l'aiguillon et la source d'information. Mais au cours de la délibération, il n'intervient plus."
Cette note évolue jusque dans les derniers jours, et même les dernières heures, parfois, avant le délibéré. Tout le service juridique et les huit membres (sauf le président) sont au même étage du bâtiment rue Montpensier. Donc ils se parlent beaucoup. Le secrétariat général s’efforce aussi de leur enlever le plus de pression possible. Quand la rue menace de manifester, c’est lui aussi qui évalue le risque et demande, si nécessaire, un renfort des forces de l'ordre comme ce fut le cas le 14 avril et comme ça va être le cas mercredi.
Décision rapide
L'une des particularités de la France, c'est que les décisions sont prises vite. Le délai le plus long, c’est trois mois pour les questions prioritaires de constitutionnalité, un mois pour le contrôle avant promulgation ou encore pour le RIP. Ça suppose déjà d'être assez agile. Mais avec le Covid-19, tous ces délais ont explosé. On se souvient en particulier du dé confinement du 11 mai 2020. Les députés avaient voté en urgence le samedi la loi de déconfinement. Les saisines étaient arrivées le dimanche, pour déconfiner le lundi. Le président, mais aussi en réalité le secrétaire général, avaient dit : "pas question de valider ça d'ici ce soir". La France avait donc déconfiné quand même le lundi dans un vide juridique total, au grand dam d’Edouard Philippe, Premier ministre. La validation de la loi était arrivée dans les heures suivantes. En France, 75 personnes travaillent au Conseil constitutionnel contre 350 en Allemagne.
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