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Migrants naufragés : qui est Sophie Beau, cofondatrice de l’ONG SOS Méditerranée ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Sophie Beau co-fondatrice de SOS Méditerranée lors d'une conférence de presse, à Marseille le 13 juin 2018. (SPEICH FR?D?RIC / MAXPPP)

Sophie Beau est une femme en colère. Pas uniquement à cause de la phrase prononcée jeudi 3 novembre à l'Assemblée nationale par le député Rassemblement national Grégoire de Fournas : "Qu'il(s) retourne(nt) en Afrique !" Mais aussi parce que cela fait des jours et des jours que son ONG, SOS Méditerranée, se démène pour qu'un port accueille l'"Ocean Viking" et ses 234 migrants naufragés. Or, jeudi 3 novembre, au moment de l'incident à l'Assemblée, ils venaient de lancer officiellement une demande à la France, l'Espagne et la Grèce pour qu'ils prennent leur responsabilités dans cette situation bloquée avec la Libye, Malte et l'Italie. Et l'incident a tout figé.

>> Crise des migrants : quatre questions sur l'"Ocean Viking", le bateau de sauvetage de SOS Méditerranée

Chez Sophie Beau, 49 ans, l'environnement familial est depuis toujours porté sur l'accueil, le soin et les migrants. Un père médecin et une mère qui travaillait dans un centre social dans le centre de Paris qui mettait en place des cours d'alphabétisation. Dès l'adolescence, elle donne des cours d'alphabétisation. Puis comme étudiante, elle tente hypokhâgne dans un très bon lycée Henri IV. Mais elle bifurque vers sa passion, l'anthropologie et se retrouve au Mali. Maitresse d'école le matin, elle fait ses recherches d'ethnologie l'après-midi sur cette organisation des Maliens solinke sur laquelle elle est intarissable. Elle raconte leur longue tradition de voyage, avant même la sécheresse et le réchauffement climatique. Elle étudie notamment en quoi l'argent envoyé par les migrants au village lui permet de se développer mais aussi, bouleverse les rapports sociaux.

Elle fonde son ONG alors que les naufrages se multiplient en Méditerranée

La recherche ne lui suffit pas, elle veut agir. Après un 3e cycle en sciences politiques, elle s'embarque dans l'humanitaire mais déchante vite, comprenant à quel point les bons sentiments ne suffisent pas : "Je faisais des cours d'alphabétisation à 10 heures du soir, en plein milieu du triangle d'or au Laos, avec toute la population masculine touchée par l'opium et malade, et des femmes qui étaient les seuls à tenir ces villages, à bosser de 4 heures du matin à minuit. Et non, elles n'allaient pas au cours le soir, d'autant plus qu'il y avait une épidémie de rougeole et que leurs gamins mourraient ." Elle file donc dans de plus grosses structures comme Médecins du Monde à Marseille, où elle s'occupe des sans-abris et des roms. Médecin sans frontière aussi, sur les terrains de crise en Afrique, au Moyen-Orient, dans le Caucase, ou dans les sièges en France et aux États-Unis.

Les migrants en méditerranée, elle en prend conscience dès 2005. Lors d'un séminaire chez Médecins du Monde, alors que les naufrages se multiplient en Méditerranée, ils réalisent qu'aucune ONG n'a le savoir faire pour secourir plusieurs dizaines voire centaines de migrants, dans une mer agitée. Et puis en 2014, elle rencontre un capitaine de marine, un Allemand, Klaus Vogel, à qui, dans la marine marchande, on a plusieurs fois demandé de calculer les itinéraires pour éviter les boat people. Puisque les États ne le font pas non plus : le duo va s'associer pour monter cette ONG. C'est l'époque où un cargo fait chavirer un bateau de migrants en voulant lui porter secours et provoque la mort de plus de 1 000 migrants. L'époque aussi où Angela Merkel répète : "Wir Schaffen dass" - "On va y arriver".

"Sauver des vies, ça ne se discute pas"

L'Aquarius, premier bateau qu'ils louent, sans financement institutionnel, prend la mer en 2015. Avec des marins professionnels, chacun avec sa spécialité, certains pour les petits zodiacs, d'autre pour manœuvrer le gros. Progressivement le processus s'améliore. Aujourd'hui ils sont 40 à bord de l'Océan Viking, avec également du personnel médical, des psys. Le navire qui a recueilli les 234 migrants attend désormais un port pour accoster. Ce qui est un devoir légal des États, comme le rappelle Sophie Beau : "Ce qui est grave c'est que c'est le devoir de personnes en danger qui est remis en cause, c'est-à-dire qu'on ne parle pas de racisme, c'est carrément des personnes en danger de mort. Et tout ça est encadré par le droit maritime, c'est un devoir légal. En fait ce n'est pas juste une lubie d'humanitaire, sauver des vies ça ne se discute pas normalement. Donc ce n'est pas 'qu'ils retournent en Afrique' parce qu'ils viennent d'un pays, la Libye, où ils sont persécutés."

Depuis le début, les rapports avec l'extrême droite sont compliqués. Il y a quatre ans, les locaux de SOS méditerranée ont été envahis par des militants de Génération identitaire qui viennent d'ailleurs d'être condamnés par la justice. Cela n'arrête pas Sophie Beau qui mise beaucoup sur la sensibilisation scolaire. Dix-neuf antennes de bénévoles sont installées dans toute la France, pour intervenir dans les écoles et éduquer à la citoyenneté avec un agrément Éducation nationale. Elle y tient énormément.

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