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Environnement : qui est Sultan al-Jaber, le président émirati de la COP28, patron d'une compagnie pétrolière ?

Le président de la prochaine Conférence climat de l’ONU qui se tient à Dubaï et aussi PDG de la compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi. Et il tente comme il peut d’installer une image de défenseur de l'environnement.
Article rédigé par Bérengère Bonte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président de la COP28, Sultan al Jaber, lors de sa rencontre avec le président du Conseil européen à Bruxelles, en juin 2023. (THIERRY MONASSE / ANADOLU AGENCY)

Sultan al-Jaber a reconnu pour la première fois, jeudi 7 juin, que "la réduction des énergies fossiles était inévitable", alors que la Conférence de Bonn (Allemagne), qui doit préparer le grand sommet de novembre et décembre à Dubaï s'achève la semaine prochaine. Venant du chef d’orchestre de la prochaine conférence climat de l’ONU, la COP28, ça ne devrait rien avoir d'exceptionnel. Sauf que c'est plus surprenant venant de lui, parce qu'il préside l'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), l'un des premiers groupes pétroliers au monde, tout en étant ministre de l’Industrie et de la Technologie innovante. Il est attendu au tournant, ses moindres mots et gestes sont scrutés depuis sa nomination en janvier.

Faux profils et greenwashing 

Le média anglais The Guardian vient notamment de le prendre en flagrant délit de "greenwashing" de sa fiche Wikipedia.  Un anonyme a suggéré aux éditeurs de Wikipedia de retirer la référence à un article du Financial Times qui pointait la contradiction avec ses activités pétrolières et d’expliquer que sa compagnie utilise ses bénéfices pour "investir dans les technologies de captage du carbone et les carburants verts". Autre suggestion de retrait anonyme : l’accord de 4 milliards de dollars que Sultan al-Jaber a signé en 2019 avec deux géants américains de l’investissement, BlackRock et KKR, pour développer des oléoducs. L'anonyme a finalement reconnu être payé par l’ADNOC.

Toujours selon The Guardian, le responsable marketing de la COP28, Ramzi Haddad, a même ajouté plusieurs citations le décrivant, par exemple, comme le " premier PDG à la présidence de la COP qui a joué un rôle clé dans le chemin à suivre par le pays en matière d’énergie propre". À visage découvert dans certains cas, il a aussi écrit : "Il est le genre d’allié dont le mouvement climatique a besoin". Il ne se passe pas un jour sans que The Guardian ne sorte une information de ce genre. Le média a révélé, jeudi 8 juin, qu'une armée de faux comptes de réseaux sociaux aurait multiplié les posts pour redorer le blason d’al-Jaber, en citant cette fois l’enquête d’un spécialiste du Moyen-Orient, Marc Owen Jones.

Vu comme un réformateur aux Émirats arabes unis 

C'est une partie de son parcours un peu plus "verte" qui explique que l'Émirati a été choisi par les Émirats arabes unis pour la présidence de la COP28.  Ahmed al-Jaber, de son nom de naissance, est considéré dans ce pays comme un réformateur. Cela tient sans doute à sa formation aux Etats-Unis, où il a décroché une licence de chimie en Californie et un MBA à Los Angeles, puis en Angleterre où il a obtenu un doctorat en économie à Coventry. Ses études ont d'ailleurs été financées par une bourse de la compagnie pétrolière ADNOC. Il a ensuite enchaîné différentes fonctions, à la tête du port d'Abu Dhabi ou encore de l'Agence publique des activités médiatiques. En 2006, il fonde la société d'énergie renouvelable Masdar, à seulement 33 ans. L'objectif de cette entreprise, qu'il préside depuis 2014, est d' étendre sa capacité d'énergie propre à 100 GW, ce qui en ferait le deuxième plus grand investisseur dans les renouvelables au monde, sachant que les Émirats arabes unis se sont fixé un objectif de neutralité carbone en 2050.

Sa logique est celle de beaucoup de pays du Golfe : décarboner grâce à la technologie, sans chercher à produire moins ou émettre moins de gaz à effet de serre, avec la capture du carbone notamment. Ce qui ne l'a pas empêché, comme patron de l'ADNOC, de chercher à augmenter leur production de pétrole brut de 3 millions de barils par jour en 2016 et à 5 millions d'ici 2030.

Un interlocuteur privilégié auprès de l'ONU 

Auprès de l'ONU, il est de longue date le référent émirati. En 2009 déjà, Ban Ki Moon, alors secrétaire général, l'avait nommé à son groupe consultatif sur l'énergie et le changement climatique. Ils avaient publié un important rapport l'année suivante. Au même moment, Ahmed al-Jaber avait obtenu d'installer le siège de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abou Dhabi, alors qu'il était PDG de Masdar. 

Lors de sa nomination comme président de la COP28, en janvier dernier, cette double casquette a fait hurler toutes les ONG. Il y a quelques jours, une centaine d’élus européens et américains ont demandé qu'il soit démis. Le comble : The Guardian, qui avait justement envoyé un mail aux organisateurs de la COP28 pour les interroger sur le risque de conflit d'intérêts, s'est aperçu, en recevant un message siglé de la compagnie pétrolière, qu'ils partageaient en fait le même serveur informatique. Pour l’eurodéputée française, Manon Aubry, "c'est comme si une multinationale du tabac supervisait le travail interne de l'OMS".

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