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Document franceinfo
Soupçons de corruption au Parlement européen : qui est Michel Claise, le juge anti-corruption qui a envoyé quatre personnes en prison ?
Il est la star des juges en Belgique. "Le shérif qui s’attaque au gratin", comme le dit le journal le Soir. Le grand justicier qui a donc inculpé ces dernières heures et écroué la vice-présidente du Parlement Eva Kaili et trois autres personnes pour organisation criminelle, blanchiment et corruption, dans le cadre de l'enquête sur des soupçons de corruption en lien avec le Qatar. Avec des perquisitions sensibles chez différentes personnalités du Parlement européen. L’homme est partout, primé comme auteur de romans à succès, écumant les plateaux de télé. Lundi 12 décembre dans l'après-midi, il a même pris le temps et la liberté de nous rappeler tout en continuant à organiser la suite des opérations, ce qui serait inimaginable en France !
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"Le système belge est différent, dans la mesure où dans mon évaluation on estime que ma prise de parole est fondamentale pour la transparence en matière de démocratie et de respect de la magistrature, indique-t-il. Donc je suis tout à fait soutenu et je ne suis jamais en porte-à-faux avec des personnes qui pourraient me dire : 'tiens, non, ça ça ne va pas'? Je n'ai jamais eu la moindre remarque. Je n'ai jamais parlé de mes dossiers."
Impossible d’en savoir plus sur les arrestations au Parlement européen. Mais au-delà du système belge, on sent chez cet homme, une très grande liberté qui vient sans doute d’un parcours tout sauf linéaire. Michel Claise est né en 1956, d’une maman de 17 ans et d'un papa d’à peine 20. "Je suis ce qu’on appelle un accident de parcours", a-t-il raconté lui-même au journal le Soir. Son couffin est déposé à la boulangerie des grands-parents maternels à Anderlecht, où il va grandir avec une grand-mère ancienne résistante qu'il vénère, même si elle est devenue avec le temps esclavagiste : "Obersturmführer" ironise-t-il. Le quotidien est rude. À 12 ans, avant d'aller à l'école, il coupe le pain aux aurores. Les ouvriers n'ont pas de salle de bain. Faute de télé, il dévore des livres et devient très bon élève. Il s'ouvre les portes de la fac de Droit à l’ULB à Bruxelles, pour devenir avocat pendant 20 ans, puis juge d'instruction.
L'humanisme en cadeau de naissance
Son activité de romancier démarre aussi en lien avec ces histoires de résistance. Le premier roman Salle des pas perdu évoque la fameuse grand-mère qui recueille des parachutistes ou qui casse la figure à un membre de la Gestapo pendant un contrôle ! Une dizaine de romans et de nombreux essais suivront, nourris des voyages réalisés avec les grands parents ou de cours de chants improvisés à la pause déjeuner par un prof inspirant. Michel Claise raconte qu'il a reçu l'humanisme en cadeau de naissance, à défaut d'avoir eu des parents.
Au bout de 21 ans comme juge d'instruction sur les délits financiers en tout genre, Michel Claise est dépité. Vingt-et-un ans durant lesquels le juge met au jour des fraudes à la TVA, à la taxe carbone. En juillet 2014 il inculpe le patron d’UBS Belgique. Quelques mois plus tard, la banque HSBC. Et son constat sur l’argent sale qui circule dans l'économie européenne est particulièrement sombre. "Nous vivons une période où l'économie est entièrement pénétrée par l'argent sale, estime Michel Claise. Cela représente des sommes dont vous n'avez pas idée. Dans une affaire de blanchiment, vous savez qu'un gramme de cocaïne, c'est 50 euros à la vente. À la revente, vous multipliez par deux, par le coupage, au minimum. Et vous en arrivez donc à des centaines de milliards par an diffusés en Europe. Vous ajoutez à ça des contrefaçons, des escroqueries, etc.
"On franchit les 1 000 milliards par an de blanchiment d'argent en Europe. Cela m'inquiète pour l'avenir pur et simple de l'économie. Nous avons quand même des États qui nous ont pénétré, comme la Chine et autres, qui nous ont mis à genoux."
Michel Claise, juge anti-corruptionà franceinfo
Michel Claise assure que "l'Europe est extrêmement faible à cet égard." Mais il y a quand même de vrais moments réjouissant visiblement dans ce métier. Pour avoir une idée du plaisir qu'il a ressenti ce week-end en voyant son enquête s’accélérer grâce au flagrant délit - des élus pris en possession de 600.000 euros de cash à Bruxelles - il faut réécouter son récit d’une autre perquisition magique il y a quelques semaines sur la chaine DH Sports et qui y ressemble beaucoup : "Se retrouver dans un pays étranger, tout simplement au moment d'une perquisition tomber sur ce qu'on appelle 'la montre en or'. Et donc, avec les policiers étrangers, avoir ce plaisir d'aller chercher la personne concernée. En disant : 'dites, c'est quoi qu'on a trouvé-là ? Qui va bien plus loin que ce que nous nous imaginions ?' Ça, c'est très amusant. L'expression que nous utilisons tous, que ce soit policier ou magistrat, on a fait : Bingo !"
Bingo ! Et l'humour belge est là, même pour les coups de gueule. Récemment sur une autre chaîne de télé, dénonçant le manque de moyens pour la lutte contre la corruption. Le juge Claise a accusé le gouvernement d'être au Xanax plutôt qu'au viagra ! L'anxiolytique. Plutôt que l'excitant. Le message est clair.
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