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Catastrophe du Rio-Paris : qui est Henri Pitot qui a donné son nom aux sondes au cœur du procès ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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  (MARC MENOU / MAXPPP)

Un homme que très peu connaissent. Pourtant, il s'agit d'Henri Pitot, l'inventeur des sondes Pitot. Le terme est cité tous les jours au procès du crash Rio-Paris. Il très vite entré dans le langage commun après l’accident en 2009. Les experts, les pilotes multipliaient les démonstrations, un petit cylindre métallique dans la main. "On a un tube. On l'a appelé Pitot parce que c'est monsieur Pitot. Et ça vous donne la vitesse" expliquait le pilote de ligne Gérard Feldzer au Parisien-Aujourd'hui en France. Celle de l’avion très utile pour l’équipage, sauf que dans le cas du Rio-Paris il y a eu ce problème de givre. 

Contrairement à ce que beaucoup imaginent, ce monsieur Pitot n’est pas un contemporain des débuts de l’aéronautique. La sonde a été inventée 1732 dans le Languedoc par ce physicien totalement autodidacte. Cancre absolu au départ, nul en grammaire, déclinaisons latines et conjugaisons grecques, ce qui est à peu près tout ce qu’on enseigne dans son collège des révérends Pères de la Doctrine Chrétienne à Beaucaire, la ville de sa famille maternelle. Le petit Henri naît à une quinzaine de kilomètres de cette commune, à Aramon, en 1695. Baptisé 6 jours plus tard, selon les registres. Henri Pitot est le cinquième enfant d'une famille de bourgeois catholique. Son père au départ militaire, capitaine, exploitera ensuite des terres.

Henri Pitot devient physicien par hasard

À 18 ans, son père – qui ne sait pas quoi en faire – l’envoie à l'école d’artillerie de Grenoble. Et là, dans une librairie, il tombe sur un livre de géométrie. Il est fasciné. Premier jour du reste de sa vie ... Après un an d’armée, il dévore la bibliothèque familiale et celle d’un ami ecclésiastique également. Combien de temps avez-vous mis pour lire tout Euclide, un mathématicien de la Grèce antique ? Lui, 12 semaines. Henri Pitot s'intéresse aussi à l'arithmétique, la balistique, physique, géométrie, architecture. Mais il a surtout une vraie passion pour l’astronomie. Il fabrique des mappemondes, des cadrans solaires, des lunettes ...

Au bout de 4 ans, en 1722, un abbé d’Uzès, épaté, suggère aux parents de l’envoyer à Paris poursuivre ses études. La marquise d’Aramon lui rédige donc une lettre qu'elle adresse au grand physicien de l’Académie royale des sciences, Réaumur. Ce dernier deviendra le mentor d'Henri Pitot. En 20 ans, le Languedocien publie trois mémoires d’astronomie, six de géométrie et cinq d‘hydraulique. Il s’intéresse déjà à la construction. Henri Pitot aide son mentor à mettre au point le thermomètre de Réaumur, apparu avant celui de Celsius. C'est en 1732. L'année où la sonde Pitot arrive. 

 La consécration, le début de la gloire

C’est l’une des rares inventions françaises qui fera le tour du monde. Le tube Pitot mesure la différence entre la pression totale et la pression statique d’un fluide en mouvement. En clair, il est le premier à mesurer de façon fiable la vitesse de l’eau dans les rivières, en l'occurrence la Seine. Cela servira plus tard pour l'avion. Grâce à Réaumur, Henri Pitot devient l’ami de Voltaire, dont il ne partage pas pour autant les idées. Descartes, Newton, très peu pour lui. Très catholique, Henri Pitot ne jure que par l’expérimentation. Avec lui, on ne touche pas aux "causes premières".  

Henri Pitot est à l'origine d'une série de constructions notamment dans le Gard

À 47 ans, marié, 2 enfants – dont un seul survivra – "l'ingénieur Pitot" est nommé directeur des travaux publics à Nîmes et du canal royal du Languedoc. Il vient déjà d’apporter un éclairage scientifique décisif sur l’assèchement des marais pour endiguer la malaria. Il s’attaque aux aménagements anti-inondations, il améliore les digues de protection, crée des réservoirs, etc. 

Pour ceux qui connaissent bien la région : Henri Pitot a fait construire les deux grands itinéraires routiers entre Alès et le Puy-en-Velay, les futures nationales 102,104 et 106. L'ingénieur est également à l'origine des "bornes Pitot", ancêtres des bornes kilométriques et bien sûr du "pont Pitot", ce pont routier accolé au pont du Gard. L’ingénieur-hydraulicien a pris la direction des travaux de l’aqueduc Saint-Clément, permettant l'acheminement de l'eau jusqu'à Montpellier. 

Après cette belle carrière, le cancre méritait bien d’être anobli. En 1748, il devient Seigneur de Launay. Henri Pitot meurt en 1771 dans sa maison natale à Aramon, où le collège porte aujourd'hui son nom. Il laisse aussi des rues Pitot, notamment à Montpellier et les fameuses sondes, qui malgré les catastrophes, équipent aujourd'hui encore les avions.

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