Pourquoi Dominique Voynet jette l'éponge
Ce geste assez rare et plutôt courageux mérite d'être souligné. Il traduit ce qui est en train de se produire sous nos yeux de manière indicible, depuis de longues années, ce découplage entre le monde politique et le monde réel, dont le fossé se creuse inexorablement. Imaginez une longue lettre, publiée hier, sobrement intitulée : "Je ne suis pas candidate à ma réélection à la mairie de Montreuil ", dans laquelle Dominique Voynet évoque ses joies et ses souffrances, après cinq années de gestion d'une ville dans laquelle il n'y avait que des coups à prendre.
Les mots sonnent presque comme une mise en garde qui dépasse largement les frontières de la seule commune de Montreuil : "Je souffre profondément de la dégradation de la vie politique et du climat qui conduit, à Montreuil comme ailleurs, à englober tous les politiques d'une même suspicion, et de plus en plus souvent d'un même mépris ", écrit l'ex-ministre de l'écologie de Lionel Jospin, qui voit bien dans le regard de ses administrés que tous les responsables élus sont mis désormais dans le même sac, sans distinction.
Les bons et les mauvais, "tous pourris", c'est bien ça ?
"Ceux qui ne cumulent pas comme ceux qui cumulent, ceux qui sont intègres comme ceux qui sont corrompus" , se désole Dominique Voynet, qui ajoute, et c'est un coup de massue pour les candidats qui vont se bousculer pour lui succéder : "Ceux qui brossent leurs clientèles dans le sens du poil comme ceux qui refusent d'accorder des passe-droits, y compris à leurs plus proches amis ". Autant dire qu'une campagne "on rase gratis " à Montreuil est devenue impossible.
Quel est le contexte de cette commune de l'est parisien ?
D'abord, Montreuil, ville de plus cent mille habitants, est en Seine-Saint-Denis, une zone de guerre totale entre le Parti Communiste et le Parti Socialiste. Le département – il ne faut plus dire le 9-3- est la chasse gardée de Claude Bartolone, ancien patron du Conseil général, qui veut faire tomber les villes une à une dans l'escarcelle du PS. Nous sommes toujours, au fond, dans le vieil affrontement brutal que se livraient le PCF et la SFIO, il y a plus d'un demi-siècle. L'ancien maire apparenté communiste Jean-Pierre Brard a le champ libre pour affronter le jeune député PS Razzy Hammadi. L'histoire se répète.
Cela va se régler entre messieurs ?
Mais Dominique Voynet, connue pour son caractère bien trempé, n'abuse pas de son statut de femme en politique, même si elle tacle au passage, et c'est de bonne guerre, ceux qui seraient tentés, écrit-elle, de voir dans son choix le signe "d'une fragilité bien féminine ". Dominique Voynet ne dit rien de ses projets au sein d'EELV, elle qui a longtemps été brocardée après le naufrage de l'Erika, pour avoir déclaré que ce n'était pas la "catastrophe écologique du siècle ". C'est elle aussi qui a su renoncer au Sénat pour se mettre en conformité avec le non-cumul. Quelles que soient ses motivations, et sa part de responsabilité, sa lettre sonne comme un avertissement : la vie politique traverse une crise majeure. Les Français n'y croient plus. Ce désamour ouvre la porte aux dérapages et aux extrêmes. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter.
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