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Marine Le Pen à front renversé

Marine Le Pen fait sa rentrée politique sur fond de crise syrienne. Du pain bénit pour le Front national.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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"Il n'est pas capable de faire régner la sécurité à
Marseille, et il veut envoyer des missiles à Damas
" ! Voilà d'une
phrase comment Marine le Pen et sa garde rapprochée résument la situation,
largement évoquée hier lors du bureau politique de rentrée du FN, qui s'est
réuni au siège du parti à Nanterre. Le propos est éminemment populiste, diront
certains : la guerre civile en Syrie est une réalité, sans rapport avec
nos problèmes d'insécurité, mais l'argument va faire mouche dans les couches
populaires, étranglées par les méfaits de la crise.

Ce que dit Marine le
Pen sur la Syrie

"Nous n'avons pas varié depuis le premier jour, nous
sommes contre une intervention
", explique la patronne du Front National,
"François Hollande est parti dans une gigue politique, un coup il attaque
les islamistes au Mali, un coup il les soutient en Syrie, il devient
inquiétant
".

Marine le Pen n'a pas
été reçue par Jean-Marc Ayrault hier

Elle ne dirige pas de groupe parlementaire, elle qui a pourtant
pesé l'an dernier près de 18% à la présidentielle. La présidente du Front national accuse du coup les leaders du PS et de l'UMP de faire une rentrée
politique délirante : "Ce sont des carnassiers qui se dévorent entre eux,
dit-elle. Valls-Taubira-Ayrault, Copé-Fillon-Sarkozy, ils donnent une image
déplorable de la vie politique transformées en  petit théâtre des ambitions
". A défaut
d'être consultée à Matignon, Marine le Pen affirme que le FN est en ordre de
marche pour les municipales, qu'il est uni et qu'il a un chef incontesté.
Ironie de l'histoire, une autre voix forte qui s'est exprimée la semaine
dernière contre des frappes en Syrie n'a également pas été entendue hier, celle
de Jean-Luc Mélenchon.

Les deux se
rejoignent dans le refus de punir Bachar El-Assad

Oui, mais à fronts renversés. Marine le Pen s'inscrit dans
la tradition d'une extrême droite pro-arabe, jadis adversaire d'Israël. Son
père Jean-Marie le Pen, fort de ses amitiés irakiennes, s'était opposé à la
guerre contre Saddam. Une filiation idéologique que réfute sa fille, qui ne se
dit plus "d'extrême droite" et estime que le conflit syrien oppose,
selon ses mots, "les arabes entre eux ".  Et que les printemps arabes font la part belle
à un islam radical. Quant à Jean-Luc Mélenchon, son opposition rappelle ce
temps pas si lointain où le Parti communiste de Georges Marchais était lié à
l'URSS – la Russie aujourd'hui soutient le régime syrien - et s'inscrit dans
une tradition pacifiste de l'extrême gauche. Là encore, un héritage réfuté par
le Front de Gauche, pour qui un engagement contre Bachar ne ferait simplement qu'ajouter
au chaos.

Au final, cette
séquence va-t-elle profiter à Marine le Pen ?

Oui. Les partis politiques aujourd'hui se saisissent d'un
débat qui leur permet d'exister mais sur lequel ils n'ont pas de réel pouvoir.
Il en va de la riposte en Syrie comme du mariage pour tous : le sujet est puissant,
"clivant", il occupe jour après jour le paysage politique sur tout
son spectre, au point d'exaspérer les Français. Pendant ce temps, "nous
préparons scientifiquement la suite
", reconnaît Louis Aliot, le numéro 2
du FN, sur les retraites, les impôts, l'insécurité, tout ce qui apporte de
l'eau à un moulin frontiste qui tourne désormais à plein
régime.

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