Samuel Deschaumes, parquet-chene-massif.com, "26 000 emplois sont menacés dans les scieries"
Samuel Deschaumes, également porte-parole de la fédération nationale du bois a demandé mardi sur franceinfo à mieux protéger les chênes français car "les scieries vont mal par manque de matière."
La fédération nationale du bois (FNB) profite du Salon de l’agriculture pour interpeller Emmanuel Macron. Elle demande des mesures pour freiner l’exportation massive de chênes français vers la Chine. Le porte-parole de la FNB, Samuel Deschaumes, également président de Parquet-chene-massif.com, une PME du Cher, a estimé mardi 27 février sur franceinfo que 26 000 emplois directs sont menacés dans les scieries françaises.
franceinfo : On estime que 25% des chênes français sont transformés à l’étranger. Où vont-ils ?
Samuel Deschaumes : Ces chênes partent directement en Chine, sans aucun intermédiaire, sans aucune valeur ajoutée produite en France. C’est ce que l’on dénonce aujourd’hui. On a une chance extraordinaire en France. On a un or vert. Le chêne français est enraciné au fond de nous. Aujourd’hui, ils sont abattus et directement envoyés en Chine.
Pourquoi vont-ils en Chine ?
La Chine a choisi de geler l’exploitation ses forêts, dont une partie importante se trouve au nord-ouest de de ce pays. La Chine a décidé d’arrêter d’exploiter ces bois et d’aller chercher la matière première ailleurs parce qu’ils ont un peu tiré dessus, et puis c’est stratégique. Si je vais chercher les chênes chez les autres, j’affaiblis mes concurrents et en plus j’aurai la force plus tard parce que j’aurai la matière. Les Chinois vont fabriquer des parquets, des panneaux, qui vont, ou revenir en France, ou servir à leur marché intérieur.
Quelles sont les conséquences pour vous ?
Nous sommes en danger en France. Les conséquences immédiates, c’est 200 000 emplois directs et indirects menacés, 26 000 emplois menacés dans les scieries françaises. Ce n’est pas exagéré. On ne tire pas le signal d’alarme. On est dans le signal d’alarme. On est en train de freiner avec les quatre fers sous les roues, sinon on va dans le mur. Aujourd’hui, les scieries françaises ont des carnets de commandes remplis. Elles ont de moins en moins de matière devant elles. L’exportation a été multipliée par dix en 10 ans. Il y avait 900 scieries françaises en 2005. Il y en a 550 en 2017. Je commence à sentir la difficulté de mes fournisseurs ou de moi-même. Ma scierie a trois mois et demi de sciage devant elle. D’habitude, à cette époque, elle a entre huit et dix mois. Je suis dans l’urgence de trouver de la matière.
Vous interpellez le président de la République. Que lui demandez-vous ?
On dit M. le président, vous nous avez écouté, vous nous avez donné une réponse par le ministre, mais ce n’est pas nous entendre. Un comité va être créé. Il existe déjà. La réponse que l’on demande nous, c’est une mesure d’urgence, et tout de suite. On ne demande pas un centime, pas un euro de subvention. On demande juste à ce que comme 180 autres pays dans le monde (dont la Chine, l’Allemagne, la Croatie, la Hongrie…), on protège notre matière. On demande que le label UE, déjà en place pour les forêts domaniales (publiques), soit étendu aux forêts privées. Ce label fera que lorsqu’on va acheter du bois dans nos forêts françaises, il sera automatiquement transformé dans l’Union européenne, et pourquoi pas, encore mieux, en France. Je veux que les propriétaires forestiers pensent à leur avenir et s’engagent à garder ces chênes en France. On veut 'make our planet great again' ? Un chêne qui part en Chine, c’est 7000 kilomètres en camion, et 28 000 kilomètres en bateau. C’est 17 fois plus d’empreinte carbone qu’un parquet transformé en France.
Est-ce que le protectionnisme va sauver des scieries en difficulté ?
Les scieries vont mal par manque de matière. On a les commandes. Il nous manque du bois. La question est de savoir si on veut garder les forces de notre pays, ou les laisser partir.
Les propriétaires de forêts disent qu’une partie de votre secteur ne s’est pas modernisé, et que le problème est là. Que répondez-vous ?
Je vais prendre l’exemple de ma société, mais je parle au nom de tout le monde. J’investi plusieurs centaines de milliers d’euros tous les ans depuis des années. Il y a un webmaster, des ingénieurs du numérique, des techniciens, des designers. La scierie française a vraiment pris ce virage. La preuve en est : on transforme plus de matières à 550 scieries qu’à 900 il y a dix ans. On a beaucoup investi. Nos outils de production tournent entre 60 et 80% de leur capacité. On est non seulement capables d’absorber le volume qui part en Chine, mais il est nécessaire pour qu’on puisse aujourd’hui et demain continuer à exploiter notre forêt correctement.
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