Cet article date de plus de quatre ans.

Gabriel Zucman, l'économiste français qui veut en finir avec "l'injustice" fiscale aux États-Unis

Face à Donald Trump, le professeur à Berkeley, qui conseille le démocrate Bernie Sanders, défend un "super ISF". Et dénonce "le triomphe de l'injustice".

Article rédigé par franceinfo, Jean Leymarie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'invité éco du 14 février 2020 (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Son nouveau livre est une plongée aux États-Unis, pays des super-riches. Gabriel Zucman, professeur d’économie à l’université de Californie, est l'invité éco de franceinfo vendredi 14 février. Il publie, avec Emmanuel Saez, Le triomphe de l’injustice (Seuil), une plongée au cœur du système fiscal des États-Unis.

Les auteurs ont épluché un siècle de statistiques. Leur constat est sans appel. Depuis les années 1980, les revenus se sont envolés pour les 1% les plus riches, et pour personne d’autre. Ces milliardaires, combien paient-ils d’impôts ? "Quand on prend en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires aux États-Unis, leur taux d’imposition en 2018 s’est élevé à 23%, répond Gabriel Zucman. C’est moins que toutes les catégories sociales : les classes populaires, moyennes, etc. Elles paient toutes environ 28% de leurs revenus en impôts."

Reagan et Trump contre Roosevelt

Ce phénomène est relativement nouveau. Selon Gabriel Zucman, "c’est même une rupture phénoménale par rapport à l’histoire américaine". L’économiste rappelle que de 1930 à 1980, "le taux marginal supérieur d’imposition pour les plus hauts revenus s’est élevé en moyenne à 80%". Sous Franklin Roosevelt, dans les années 1940, ce taux est même passé à 93%. Selon le chercheur, ce choix reflète la conviction, très ancrée aux États-Unis, que "la concentration excessive des richesses est une concentration excessive des pouvoirs".

Dans les années 1980, l’arrivée de Ronald Reagan a complètement changé la donne. Le président républicain a rompu avec cette tradition, en ramenant le taux d’imposition des plus hauts revenus à… 28%. "C’est l’idéologie du ruissellement qui triomphe", selon Gabriel Zucman, pour qui le bilan est clair : "Si on regarde la période 1980-2018, il n’y a eu aucune croissance du revenu des classes populaires américaines". Il constate aussi que lorsque l’impôt était très progressif, "la croissance [du PIB] était bien plus forte."

Aux côtés des démocrates

Aujourd’hui, aux États-Unis, sous Donald Trump, le débat fiscal est redevenu majeur. Gabriel Zucman conseille le camp démocrate, dans le cadre de la campagne présidentielle. Le Français a soufflé à Bernie Sanders une proposition fiscale importante : "un super ISF qui commencerait au-delà de 32 millions de dollars de patrimoine (…) avec un taux qui monte jusqu’à 8% au-delà de 10 milliards."

Et si cette proposition était appliquée à la France ? "Ca rapporterait de l’ordre de 25 milliards d’euros par an en France, estime Gabriel Zucman, ce qui est cinq fois à peu près ce que l’lSF ancienne mouture rapportait."

Pour l’économiste, la situation fiscale française est "assez comparable à ce qu’elle est aux États-Unis", car "le système fiscal est peu redistributif et qu’il devient régressif au sommet. Les hauts revenus, les hauts patrimoines, ont des taux d’imposition effectifs plus faibles que les classes moyennes en France."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.