Entreprises : les TPE en appellent à l'État pour étaler les dettes et "récupérer de la trésorerie"

Les tarifs réglementés de l'électricité vont bientôt être accessibles à toutes les TPE. Cette proposition de loi votée jeudi à l'Assemblée arrive un peu tard, pour Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des indépendants et des TPE, et n'endiguera pas les problèmes de trésorerie.
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Jean-Guilhem Darré, délégué général du syndicat des Indépendants et des TPE. (RADIOFRANCE)

Une proposition de loi socialiste, adoptée ce jeudi 29 février par l'Assemblée nationale, étend les tarifs réglementés de l'électricité à toutes les TPE - les entreprises de moins de 10 salariés -, à partir du 1er février 2025. Ce coup de pouce ne suffira pas à compenser le nombre en hausse de défaillances et de faillites, selon Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des indépendants des TPE. Il faut, selon lui, davantage d'aménagements pour soulager la trésorerie cernée par les dettes.

franceinfo : Avoir accès au même tarif que les particuliers, pour les artisans, les boulangers, les entreprises de moins de dix salariés, est-ce quelque chose que vous demandiez ?

Jean-Guilhem Darré : C'est quelque chose que nous avons demandé effectivement lorsque ça a été envisagé en 2022. Pour une raison très simple : le tarif réglementé était très nettement inférieur au tarif de marché. Aujourd'hui, malheureusement, ça n'a plus d'intérêt puisque, à l'inverse, le tarif réglementé est supérieur au tarif de marché.

Donc ça arrive trop tard ?

Effectivement, ça arrive un peu tard, mais on ne connaît pas l'avenir. D'ici le 1er février 2025, il est possible qu'on ait à nouveau des problèmes au niveau des coûts de l'énergie et que les TPE puissent; pour le coup, bénéficier d'un tarif réglementé.

Il y a quelques jours, l'exécutif a annoncé des mesures de soutien à la trésorerie des agriculteurs en difficulté. Vous-même, réclamez-vous la même mesure pour les TPE ?

On constate, dans le cadre de nos enquêtes et dans le cadre des appels de nos 25 000 adhérents, que beaucoup sont en difficulté de trésorerie.

"Ces difficultés de trésorerie sont liées tout simplement à un contexte économique difficile. Et les PGE, qui au début ont maintenu l'activité, sont aujourd'hui devenus des boulets."

Jean-Guilhem Darré

à franceinfo

Il y a une baisse de la consommation. Ils doivent assumer un certain nombre de charges liées à l'augmentation des coûts, à l'augmentation de l'électricité par exemple, l'augmentation des salaires… Enfin tout ce qui constitue finalement la vie de l'entreprise. Ils doivent aussi, et c'est un point extrêmement important, rembourser leurs PGE, les prêts garantis par l'État. Ces prêts, dans un premier temps, leur ont permis de soutenir une situation, mais aujourd'hui ils sont devenus un boulet en fait. Dans le cadre de leur bilan, cela les empêche beaucoup de continuer à croître.

Le remboursement des PGE a quand même été étalé.

L'étalement qui est possible aujourd'hui est conditionné, soumis à l'autorisation de la banque, qui est soumis à l'autorisation du médiateur du crédit, qui induit pour le chef d'entreprise l'obligation de restructurer l'ensemble de ses crédits.

Les chefs d'entreprise des TPE ne demandent donc pas le rééchelonnement de cette dette-là…

Non, ils ne se lancent pas dans cette procédure qu'ils considèrent à la fois comme très complexe et comme risquant de les empêcher de poursuivre leur activité.

Les patrons des toutes petites entreprises peuvent donc connaître les mêmes difficultés que les agriculteurs. Comme les agriculteurs ont bénéficié de mesures, il n'y a pas de raison que ce soit les seuls.

On voit que l'un des problèmes des agriculteurs, c'est leur niveau de revenus.

"Nous avons réalisé une enquête il y a deux mois, où on voit que quasiment la moitié des professionnels indépendants, artisans, commerçants et dirigeants de TPE gagnent moins d'un Smic par mois."

Jean-Guilhem Darré

à franceinfo

Cette demande que vous formulez ici sur franceinfo, êtes-vous allé la porter à Bercy ? Avez-vous eu une réponse ?

On alerte à Bercy depuis maintenant plusieurs mois, au regard de ce qu'on constate sur le terrain. La réponse, malheureusement, il n'y en a pas à ce stade. On voit effectivement qu'à partir du moment où il y a une certaine mobilisation, finalement assez agressive, comme pour les agriculteurs, il y a des résultats. On n'en est pas là aujourd'hui, même si un certain nombre de nos adhérents souhaiterait effectivement se mobiliser dans la rue par rapport à cet élément.

Alors l'immobilier va mal. Le patron de Bouygues, nous disait hier que les réservations résidentielles étaient en chute de plus de 30% sur un an. Le premier promoteur français, Nexity, annonce des suppressions de postes à venir. Qu'en est-il de la situation des petits patrons du secteur que vous représentez ?

Si on regarde les chiffres de 2023, dans le cadre de ce qu'on appelle le second œuvre, donc les électriciens, les maçons, on constate que ces professionnels sont parmi les premières victimes des cessations d'activité.

Vous avez aujourd'hui des défaillances d'entreprises, des faillites dans ce secteur-là ?

On a des défaillances dans beaucoup de secteurs, je dirais quasiment dans tous les secteurs. Effectivement, le plus important, c'est le bâtiment et ce qu'on appelle l'équipement de la personne : les vêtements, les chaussures, les accessoires. Mais bon, on a aussi des défaillances dans le commerce alimentaire. Aujourd'hui, la situation sur le terrain est difficile pour de très nombreuses TPE.

Mais n'est-ce pas un juste retour des choses, la conséquence de la fin du "quoi qu'il en coûte" ? L'économie française a vécu avec un filet de sécurité pendant de nombreuses années. Il y a des entreprises qui ont été maintenues sous perfusion et qui aujourd'hui font faillite.

C'est un argument qui est souvent utilisé par l'exécutif. Depuis deux ans, la courbe effectivement des défaillances augmente malheureusement. Dans un premier temps, on nous a expliqué que c'était parce qu'il y avait la fin des aides et donc un rattrapage. Mais maintenant force est de constater qu'on est quand même dans une situation économique particulière. Comme l'a indiqué Bruno Le Maire, l'année prochaine, la croissance ne sera plus de 1,4% mais de 1%. Et c'est encore au-dessus de ce que disent de nombreux économistes.

"Il y a une baisse de la consommation qui justifie, à elle seule, les difficultés économiques et les chiffres des cessation d'activité."

Jean-Guilhem Darré

à franceinfo

Donc vous vous réclamez une aide supplémentaire de la part de l'État, notamment avec un remboursement étalé des PGE ?

On est parfaitement conscient des difficultés budgétaires de l'État, donc on ne demande pas d'argent en plus. On demande en revanche la possibilité de récupérer de la trésorerie au travers de mesures relativement simples, comme l'étalement du paiement du PGE dans des conditions définies par les banques et les chefs d'entreprise.

Et le rééchelonnement des dettes, comme c'est le cas pour les agriculteurs ?

Effectivement et des étalements encore concernant l'URSSAF, des choses qui permettent à la trésorerie de s'en sortir.

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