Défense : le fabricant de missiles, MBDA, travaille avec le ministère des Armées "pour accélérer et augmenter les cadences"

Avec la guerre en Ukraine, le secteur de l'armement fait face à d'importantes commandes. Pour y répondre, Éric Béranger, le PDG du fabricant de missiles MBDA, explique jeudi sur franceinfo avoir déjà doublé le rythme de certaines productions.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Éric Béranger, le 14 mars 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Le président de la République, Emmanuel Macron, s'exprimera "sur le soutien de la France à l'Ukraine" dans le journal de 20 heures de TF1 et France 2, jeudi 14 mars. Et la France et l’Ukraine ont signé un accord de sécurité le 16 février, qui prévoit un renforcement de la coopération militaire, en particulier dans les domaines de l’artillerie et de la défense aérienne.

MBDA est une entreprise européenne de la défense, spécialisée dans la fabrication de missiles. Et aujourd'hui, l'Ukraine représente une partie importante de leurs commandes. Ils ont publié le 13 mars leurs résultats financiers, avec 10 milliards d'euros de commandes en 2023. C'est deux fois plus qu'en 2021 avant le déclenchement de l'offensive russe en Ukraine.

Pour faire face à ces demandes, Éric Béranger, le PDG de MBDA, explique jeudi sur franceinfo que le site d'assemblement de leurs missiles est "en train de doubler de superficie", qu'ils ont fait "des stocks de composants électroniques et de matières premières" et recruté "2 600 personnes" en 2023.

franceinfo : Où retrouve-t-on vos missiles, notamment, dans le système de défense antiaérien ukrainien ?

Éric Béranger, PDG de MBDA : On en voit dans le système de défense antiaérien ukrainien, mais pas que. Je pense que vos auditeurs ont entendu parler effectivement des missiles Aster qui sont aussi utilisés en mer Rouge pour défendre nos frégates. Je pense qu'ils ont également entendu parler des SCALP Storm Shadow qui sont là, des missiles d'attaque dans la profondeur. Et en fait, comme vous le dites, MBDA fournit à nos forces armées tous types de missiles : défense antiaérienne, frappes dans la profondeur, mais également combat terrestre, combat naval, combat aérien, et même pour la France, les missiles nucléaires pour la dissuasion qui sont tirés d'avions.

Votre carnet de commandes s'est énormément rempli avec le début de la guerre en Ukraine.

Absolument. On a complètement changé de monde au 24 février 2022. On est beaucoup de nations et en particulier des nations européennes à avoir pris en compte le fait que, tout à coup, la force défie de plus en plus le droit international. Et donc ça conduit les nations à se réarmer. Il y a beaucoup de nations européennes dans le carnet de commandes que vous mentionnez. 50% de nos commandes, c'est de l'export. Et dans cet export, les trois-quarts (76%) de ces commandes viennent de pays européens, en dehors desquels nous sommes implantés.

Où êtes-vous implanté ?

Nous sommes en France, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. MBDA au total, ce sont 15 000 personnes. C'est à peu près 4,5 milliards de chiffre d'affaires. Et dans tous ces pays, on a vu effectivement une grosse montée en puissance et des demandes de nos clients pour aller plus vite, pour produire plus, parce que finalement, le temps est devenu une contrainte très importante.

On dit que vous ne produisez pas assez vite et à plusieurs reprises le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, vous a qualifié de mauvais élève. Avez-vous accéléré la cadence ?

Nous sommes en fait en train d'accélérer. Depuis les événements ukrainiens, MBDA est vraiment en train de se mettre en ordre de bataille et je comprends tout à fait l'impatience de nos clients parce que je comprends tout à fait le besoin. Il y a des sujets sur lesquels on a déjà réussi à avoir des résultats très positifs, comme par exemple le Mistral que le ministre a cité, où nous avons déjà doublé nos cadences. 

"On est passé de début 2022, de 10 missiles par mois à aujourd'hui, 20 missiles par mois et on a l'intention de quadrupler notre cadence de production en Mistral."

Éric Béranger

franceinfo

Par contre, les missiles Aster, qui sont des missiles dont ils ont vraiment besoin en ce moment en Ukraine, mais pas seulement, sont des missiles beaucoup plus compliqués. Un missile, ça peut faire jusqu'à 10 000 composants. Nous sommes justement en train de travailler avec le ministère des Armées et avec nos différents clients pour accélérer et pour augmenter nos cadences.

Que devez-vous mettre en œuvre : acheter plus de composants, former des gens, recruter, faire des stocks ?

Effectivement, nous sommes en train de développer notre outil industriel. Donc, si je regarde la France par exemple, le site sur lequel nous assemblons nos missiles est en train de doubler de superficie. Et on fait la même chose dans tous les pays. On a fait des stocks et on continue à faire des stocks à la fois de composants électroniques et de matières premières, beaucoup d'acier. Nous utilisons des aciers très spéciaux. On appelle ça des nuances d'acier.

"Sur ces nuances d'acier, on a déjà fait un stock de 80 tonnes, alors que chaque année, on en utilise à peu près quatre ou cinq."

Éric Béranger

franceinfo

C'est pour vous donner une idée de l'anticipation que nous faisons. Nous recrutons beaucoup. L'année dernière, nous avons recruté 2 600 personnes et cette année, nous allons encore recruter 2 600 personnes. Mais nous ne faisons pas que ça. Il y a également beaucoup d'innovations dans les façons de travailler en interne et avec la chaîne d'approvisionnement parce que ce n'est pas juste MBDA qu'il faut emmener, c'est toute la chaîne d'approvisionnement derrière.

La filière de la défense est composée d'énormément de PME. La Commission européenne souhaite que d'ici 2030, 50% des équipements militaires commandés par les États membres soient fournis par l'industrie européenne. Aujourd'hui, 70%, viennent d'achats américains. Est-ce qu'il faut soutenir de façon plus active cette filière ?

Je pense que c'est vraiment très important que la Commission européenne ait affiché cette ambition. Et pourquoi, c'est important cette production sur le sol européen, en tout cas cette maîtrise sur le sol européen, cette souveraineté ? Je vais vous donner un exemple tout simple. Je vous parlais des SCALP Storm Shadow, des missiles qui ont été faits pour les Rafales, pour les Eurofighters, les avions anglais, italiens, allemands. Et ces missiles, si vous voulez les mettre sous un avion pour lequel ils n'ont pas été prévus, ça demande beaucoup d'adaptation.

Dans un monde classique comme quand on était en temps de paix, c'était quelque chose qui pouvait prendre facilement deux ans. Là, on a été capable de le faire en quelques semaines et pourquoi on a été capable de le faire en quelques semaines ? Tout simplement parce que non seulement MBDA connaissait ces missiles, mais en plus MBDA avait toute légitimité et surtout toute autorité pour décider comment les adapter pour les faire rentrer sous ses avions.

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