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Avec La Redoute Intérieurs et AMPM, La Redoute mise sur le meuble, "un marché plus résilient que la mode" selon son directeur général

Alors que des magasins de mode font faillite, et qu'Habitat a demandé son placement en redressement judiciaire jeudi, La Redoute tient bon et Philippe Berlan, son directeur général, vient nous confier ses stratégies futures.
Article rédigé par franceinfo
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Philippe Berlan, directeur général de La Redoute (franceinfo / Radiofrance)

Philippe Berlan est le directeur général de La Redoute. Cette marque emblématique, née à Roubaix il y a 186 ans, est devenue spécialiste de la vente à distance depuis la fin des années 1920. Aujourd'hui, ce n'est plus le fameux catalogue mais un site internet et une application spécialisée dans la mode et la maison. La Redoute, c'est aussi l'histoire d'un redémarrage spectaculaire. En 2014, le groupe PPR, Pinault-Printemps-Redoute cédait la société pour un euro symbolique. En 2017, les Galeries Lafayette ont acquis la majorité du capital. Et en 2022, elle a fait un milliard d'euros de chiffre d'affaires.

franceinfo : Aujourd'hui, l'enseigne Habitat a demandé son placement en redressement judiciaire. Est-ce le signe d'un essoufflement du secteur du meuble ? Les Français se sont beaucoup intéressés à leur intérieur, ont beaucoup dépensé pour leur maison juste après le confinement. Mais maintenant, c'est terminé ?

Philippe Berlan : D'abord, je voudrais rendre hommage aux dirigeants et à l'entreprise Habitat. Ce ne sont jamais de bonnes nouvelles d'entendre ce type de mesures, mais ça traduit deux choses. Le propriétaire Thierry Le Guénic le dit lui-même, donc je ne dévoile rien de spécial, les difficultés spécifiques à Habitat étaient préalables à la période actuelle et cette période est un peu ralentie pour le marché de la maison.

La Redoute profite-t-elle de la disparition des magasins physiques comme Habitat ? Est-ce que vous avez moins de coûts fixes, pas de loyers à payer notamment ?

C'est vrai qu'on est moins impliqué dans le rituel physique, cette structure de coût nous permet de mieux amortir ces variations de marché. Mais dans le marché de la maison, on a la conviction qu'il faut avoir quand même des magasins pour démontrer la qualité de notre offre et de nos produits.

Vous ne souffrez pas d'un essoufflement du marché ? Vous ne constatez pas que les Français aujourd'hui se ruent moins dans les magasins et se meublent moins qu'il y a quelques temps ?

Si, en 2023, il y a un ralentissement du marché indéniable. Il y a notamment l'inflation et la hausse des taux d'intérêt.

"La hausse des taux d'intérêt fait que les transactions immobilières ralentissent. L'ameublement est un marché qui est très lié au marché de l'immobilier."

Philippe Berlan

franceinfo

Les Français déménagent moins et c'est autant d'occasions de moins de renouveler son intérieur. Donc il y a eu un effet post-Covid qui s'est enchaîné avec cette crise de l'immobilier. Mais sur le moyen terme, pour bâtir nos stratégies, on considère que les choses vont revenir.

C'est pour cela que vous avez décidé de bâtir votre stratégie autour de la maison et non plus de la mode ? Aujourd'hui, la maison, c'est 60% de votre chiffre d'affaires.

Absolument, pour deux raisons. C'est un marché qui est plus résilient globalement, même s'il y a des fluctuations. Il est plus résilient que la mode, qui est un marché très challengé depuis pas mal d'années. Et puis, la deuxième vraie raison pour laquelle on a choisi cette option, c'est qu'on a le sentiment que c'est là qu'on a les meilleurs atouts pour réussir, avec le développement des marques fortes que sont La Redoute Intérieurs et AMPM.

Justement, pourquoi avez-vous décidé de développer votre marque plutôt que de vendre les marques des autres ?

Il y a bien longtemps, face à l'émergence de l’e-commerce et de champions mondiaux, on a considéré qu'une manière de se défendre, de se différencier, était d'abord de garder et de développer nos forces sur nos marques propres.

"Nos designers installés à Roubaix continuent d'enrichir, de développer nos produits sur la base d'un rapport qualité, style et prix que l'on estime imbattable."

Philippe Berlan

à franceinfo

En tout cas, c'est ce qu'on croit et ce qu'on veut faire valoir aux yeux du consommateur.

En 2022, vous avez fait un milliard d'euros de chiffre d'affaires. Pensez-vous faire aussi bien cette année ?

On n'en sera pas très loin. Comme vous le disiez, le marché ralenti fait que les ventes progressent moins cette année et cela affecte un peu l'ensemble de notre chiffre d'affaires. Mais globalement, les fondamentaux sont là et on a les moyens de repartir dès que la conjoncture sera là. Encore une fois en s'appuyant sur nos forces à nous, qui sont différentes de celles de pas mal de concurrents.

Quelles sont vos forces ? Le marché français ? J'ai vu qu'il représente plus de la moitié de votre chiffre d'affaires.

On est extrêmement connu en France, évidemment. Mais ce qui est un peu dommage, c'est que les gens, les consommateurs, connaissent encore trop La Redoute pour la mode. Ça, tout le monde connaît, mais pas assez pour la maison.

"Tout le travail que l'on va faire demain, ça va être de mieux faire connaître notre offre dédiée à la maison."

Philippe Berlan

à franceinfo

70% des gens connaissent cette offre, alors que le reste des consommateurs connaît La Redoute à 90% pour la mode.

Vous avez déjà plus de 6 millions de visiteurs uniques par mois.

Tout à fait, mais on doit faire savoir à encore plus de gens que nous sommes les futurs leaders de la maison.

Vous faites donc maintenant partie du groupe Les Galeries Lafayette. Qu'est-ce que ça vous apporte ?

"Les Galeries Lafayette nous a apporté de la présence dans des corners physiques, dans leurs magasins."

Philippe Berlan

à franceinfo

Et donc l'occasion de mettre en avant nos collections et leur rapport qualité-prix, de montrer la qualité, que les consommateurs pour des achats de meubles ont besoin d'éprouver, en s'asseyant par exemple dans un canapé.

Alors où allez-vous chercher des leviers de croissance ? Plutôt en France, où les gens pensent encore que c'est de la mode, ou à l'international ?

On va aller les chercher à l'international comme on l'a déjà fait depuis quelques années, mais là on va accélérer dans des pays bien choisis. On a ouvert plusieurs pays récemment l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas. Ça nous apporte évidemment une croissance. Mais on va aussi s'efforcer de grandir dans les pays où on est déjà. On ne va plus ouvrir de pays, on va essayer de grandir en parts de marché sur les pays où on est présent, et en particulier dans deux pays où l'on croit vraiment à notre potentiel, en Italie et en Suisse.

Et pourquoi ces deux pays ?

Pour des raisons historiques, en Suisse, où on a des positions assez fortes. Sur le marché de la maison, nos marques sont tout à fait adaptées et le marché suisse a une résilience particulière.

"La Suisse est un marché de valeur et nos produits y sont très très appréciés."

Philippe Berlan

à franceinfo

Et en Italie, on a on a un positionnement milieu de gamme, entre le très haut de gamme italien que l'on connaît tous et le bas prix, qui est assez peu couvert. Donc là aussi, on va essayer d'accélérer en Italie.

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