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Georges Fenech : "La lutte contre le terrorisme est une lutte protéiforme qui doit se mener dans toute la société"

L'ancien député Georges Fenech, président de la commission d’enquête sur les attentats 2015, était l'invité de franceinfo jeudi soir.

Article rédigé par franceinfo
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L'ancien député LR et ancien magistrat, Georges Fenech, était l'invité de franceinfo jeudi 26 avril. (FRANCEINFO)

La lutte contre le terrorisme et son financement étaient au cœur d'un sommet international à Paris mercredi 25 et jeudi 26 avril. Au terme de cette conférence, le président français Emmanuel Macron a appelé les participants internationaux à mieux coopérer pour priver les mouvements jihadistes de fonds et de moyens d'opérer. "La lutte contre le terrorisme, c'est une lutte protéiforme qui doit se mener dans toute la société", a réagi, jeudi sur franceinfo, l'ancien député et magistrat Georges Fenech qui préside la commission d’enquête sur les attentats de 2015. Selon lui, s'attaquer au financement du terrorisme, c'est "s'attaquer au nerf de la guerre".

franceinfo : N'est-ce pas un leurre de se dire : s'il n'y a plus d'argent, il n'y a aura plus d'attentat ?

Georges Fenech : On ne peut pas raisonner comme cela. C'est toute la question de la lutte contre l'idéologie même. On a gagné territorialement. Pour autant, l'idéologie continue. On voit bien qu'il y a des attentats qui continuent à se perpétrer. Nous savons que des jihadistes se sont installés ailleurs. S'il y a des attentats "low-cost", il y a des structures qui organisent ces attentats, qui appellent à commettre ces attentats. Ces structures ont besoin de moyens financiers. C'est contre ces moyens qu'il faut lutter. Nous savons que des fonds importants ont transité avec eux, ont été blanchis dans l'économie réelle. La lutte contre le terrorisme, c'est une lutte protéiforme qui doit se mener dans toute la société, en luttant contre le phénomène de la radicalisation, en luttant contre les discours appelant à la violence. Tout cela est fait. Mais il faut aussi s'attaquer au nerf de la guerre, c’est-à-dire au financement. Cette conférence a le mérite de rapprocher les points de vue et de rappeler d'avoir une opération étroite permanente entre les différents services de renseignements.

Comment arriver à tracer cet argent ?

C'est très difficile. On a des législations qui sont différentes. Faisons en sorte qu'au sein de l'Union européenne nous ayons les mêmes exigences à ce niveau-là. Il existe le groupe d'action financière, le Gafi [organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme]. Il y a des choses qui se font de manière importante. Tracfin [organisme du ministère de l'Économie et des finances chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement du terrorisme] a des liens très étroits opérationnels avec ses homologues des pays du Golfe qui ont amélioré leur procédure de traçabilité de cet argent qui est blanchi ou qui part par des biais humanitaires pour financer le terrorisme. L'important, c'est cette coopération internationale.

La protection des données est au cœur des débats. Où trouver le juste milieu entre l'accès des autorités aux données et la liberté d'une vie privée du citoyen ?

C'est la question récurrente. Faut-il sacrifier un peu de sa liberté pour sa sécurité ? Le législateur a renforcé ces dispositifs auprès des opérateurs des grands réseaux sociaux pour fermer très rapidement un site qui pourrait véhiculer des appels au jihad. Les opérateurs jouent ce jeu-là. Avec les nouveaux dispositifs, les opérateurs doivent se soumettre à des réquisitions pour fermer le plus rapidement possible un site.

Plusieurs États du Golfe ont été soupçonnés de financer des groupes terroristes. Nous continuons de commercer avec eux. Y at-il une action à mener ?

On s'est beaucoup interrogé sur ces questions-là. On a interrogé nos ministres. Je peux dire sans risque de me tromper qu'il n'y a pas de financement étatique de quelque État que ce soit vis-à-vis du terrorisme. Qu'il y ait à l'intérieur de certains États des familles qui financent, oui, cela existe. Et il faut lutter contre cela. Et ces pays se sont armés pour mieux tracer ces financements, pour mieux lutter contre ces trafics et ces blanchiments.

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