L'info de l'Histoire. Turquie : pourquoi Erdogan rêve d’effacer l’œuvre d’Atatürk
Depuis 20 ans à la tête de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan rêve de dépasser dans l’histoire le rôle de Kemal Atatürk. Car ce dernier est dans toutes les têtes. Et pour cause, c’est l’homme qui a redressé par les armes, les vestiges de l’Empire Ottoman, imposé la république et proclamé la nouvelle Turquie en 1923.
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C’est encore Mustapha Kemal qui modernise le pays, qui modifie la langue et l’alphabet. Il introduit une forme de laïcité pour tolérer les minorités religieuses orthodoxe, arménienne et alévie qui ont souffert de grandes persécutions. Il sépare la religion turque de l’État. Il accélère l’alphabétisation, et même, avant la France, 11 ans plus tôt, il donne en 1934 le droit de vote aux femmes.
C’est encore Mustapha Kemal, en 1934 qui adopte une loi obligeant les Turcs à prendre un nom de famille. En raison de ses services, le pays lui demande de s’appeler Atatürk, c'est-à-dire "père du peuple". Il ancre donc le pays en occident, avant de mourir le 10 novembre 1938.
Un pays "sous la protection d’Allah"
Erdogan a d'ailleurs déjà battu son record de longévité, car il a été Premier ministre de 2003 à 2014 puis président de la République. Cela fait donc 20 ans qu’il est au sommet contre 16 pour Atatürk entre 1922 et 1938. Mais Erdogan rêve d’effacer l’œuvre d’Atatürk. Et d’abord effacer la laïcité, restaurer des liens forts entre l’État et l’Islam. Devant l'Assemblée nationale, en mars 2018, il place le pays sous la protection d’Allah : "Ils peuvent avoir des tanks, des fusées des roquettes. Ils peuvent nous écraser sous la technologie, ce n’est pas grave, nous avons Allah", dit-il. Il récite des prières publiques et ses discours s’apparentent à des prêches.
La dernière différence qui l’oppose à Kemal Atatürk réside dans son désir de reconstituer une sorte de califat, ce mélange de pouvoir politique et spirituel des anciens chefs ottomans. Erdogan qui se rêve en chef spirituel et militaire, veut reconstituer une grande Turquie avec sa zone d’influence étendue. Il se rêve en chef suprême, en "Commandant en chef" (Baskomutan). Ce mot, c’était le titre d’un tube de propagande produit en 2016 par un rappeur turco-belge, Ysrafil Yildirim. Sa réélection lui permet d’y rêver un peu plus.
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