C'était bien avant l'affaireSpanghero. En septembre 2008, un habitant de Castelnaudary décidait de"manger local". A l'époque, Stéphane Linou a 33 ans. Il est agent dedéveloppement local. Il a une conviction : il faut consommer autrement. Il selance un défi : pendant un an, il va se nourrir exclusivement d'alimentsproduits dans un rayon de 150 km. Il prend une carte de la région. Il dessineun cercle autour de chez lui, et il définit de nouvelles frontièresalimentaires : au nord, Villefranche-de-Rouergue ; au sud, la frontièreespagnole ; à l'ouest, Saint-Gaudens ; à l'est, Beziers. Il n'ira pas plusloin. Stephane Linou veut défendre la "sécurité et la souverainetéalimentaires". Derrière cet objectif, il y a une question de bon sens : "pourquoialler chercher à des milliers de kilomètres ce qu'on peut produire ici ?"En 2009, la journalisteConstance Molle-Proudhon l'interroge pour le magazine La Vie. Stephane Linouest alors en plein milieu de son expérience, et il explique que ce n'est pasfacile. Quand il achète une baguette, comment savoir d'où vient la farine duboulanger ? Même le cassoulet, la spécialité de la ville, n'est pas toujoursréalisée avec des aliments locaux. Il s'organise. Il se fournit à l'AMAP qu'ila créée quelques années plus tôt - les AMAP, ce sont les associations pour lemaintien d'une agriculture de proximité. Dans La Vie, le jeune homme raconteaussi qu'il doit s'adapter. Parfois, quand il va dîner chez des amis, ilapporte les boîtes de conserve qu'il a fabriquées lui-même, avec des produitslocaux. Au café, à côté de chez lui, le patron l'a autorisé à apporter sespropres caisses de bière. Une bière locale, évidemment : la Karland, élaboréedans le Tarn.Le militant mène son expériencejusqu'au bout, pendant toute une année. Au début, il intrigue les habitants deCastelnaudary. Puis il les intéresse, de plus en plus. Stephane Linou donne desconférences, participe à des débats. Il anime un blog.Il devient conseiller général, pour Europe Ecologie Les Verts. Il fait despropositions pour développer l'agriculture locale, et ce qu'on appelle les"circuits courts", des producteurs au consommateurs. Il rêve queCastelnaudary soit un exemple. Les soupçons à l'usine Spanghero lui donnent denouveaux arguments. Stephane Linou en est persuadé : l'homme du futur seralocavore.