Pollution : lauréate du prix Madoxx 2022, la scientifique nigériane Eucharia Nwaichi fait revivre des sols pollués par le pétrole
Le delta du Niger est l’une des zones les plus polluées au monde par les hydrocarbures. La scientifique y a développé la technique de la bioremédiation pour faire revivre les sols : utiliser les plantes et leur capacité à filtrer ce qu’elles absorbent pour restaurer les sols.
Elle s’est lancée dans un défi titanesque : essayer de nettoyer le delta d’un fleuve imbibé de mazout. Et à force d’expériences, elle y parvient. Eucharia Nwaichi, 44 ans, travaille dans le delta du Niger, au Nigeria, l’une des zones les plus polluées au monde. Parce que, certes, le pétrole pollue l’air quand on le brûle, mais il pollue aussi les sols quand on le pompe, dès l’extraction, à cause des fuites.
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Or, le delta du Niger, havre de pêche pour ses habitants, a le malheur d’avoir un sous-sol très riche en hydrocarbure. Des derricks s’y sont donc multipliés au fil des décennies, et avec eux des fuites, constantes, de pétrole brut. C’est ce fléau qu’Eucharia Nwaichi combat et qui lui vaut de recevoir le prix Madoxx 2022, un prix décerné par les éditions de la prestigieuse revue Nature. Autant dire qu’on ne l’obtient pas comme ça : il faut prouver que sa méthode est efficace, apporter des preuves scientifiques, concrètes, mesurables, et les expériences menées par la chercheuse Nigériane n’en manquent pas.
Congratulations to @EuchariaN winner of the 2022 #MaddoxPrize for courageously leading on #oilpollution research in the Niger Delta and bringing together conflicting communities, despite facing personal threats. @SpringerNature @uniport pic.twitter.com/KkKrJolT2t
— Sense about Science (@senseaboutsci) October 26, 2022
Biochimiste à l’université de Port-Harcourt, elle travaille sur la toxicologie des sols, et précisément sur les effets des métaux lourds, arsenic, mercure, plomb, autrement dit tous les poisons que diffuse le raffinage d’hydrocarbures. Et sa technique pour s’en débarrasser, c’est de faire travailler les plantes. Ça s’appelle la bioremédiation : là où il y a une plante, il y a des micro-organismes, des bactéries, des champignons, tout un écosystème qui circule autour des racines, qui traite les polluants, les transforme, et ainsi peut nettoyer, désintoxiquer toute une zone. À chaque pollution correspond un type de plante, et c’est en cela qu’Eucharia Nwaichi a brillé puisqu’elle a trouvé les espèces qui conviennent à la pollution aux hydrocarbures en zone humide.
Je recherche des solutions écologiques et inspirées de ce que sait faire la nature, le but c'est de ne pas créer de nouveaux dommages.
Eucharia Nwaichi, prix Madoxx 2022à la BBC
Des végétaux qu’elle a planté avec les habitants du delta, agriculteurs locaux, chefs de village, et pour elle, c’est la clé de la réussite : "il faut travailler en réseaux, a-t-elle expliqué en recevant son prix, travailler en impliquant tout le monde sur place." Impliquer tout le monde, ça veut dire les habitants, mais aussi les compagnies pétrolières.
Alors, à chaque fois qu’une pollution lui est signalée, elle va voir les responsables, prélèvements et preuves à l’appui, pour qu’ils stoppent les fuites et pour leur faire payer la dépollution. Parfois ça a marché. Et parfois, elle a été menacée et il a fallu porter les cas au tribunal. Mais entre résilience et justice, ce que fait Eucharia Nwaichi dépasse largement de domaine scientifique et à quelques jours de la COP27, on ferait bien de s’en inspirer.
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