Ang Rita Sherpa, légende de l’alpinisme, sherpa devenu chevalier, est mort
La légende de l'Himalaya est décédée lundi. Ang Rita Sherpa, guide de montagne, qui a commencé comme simple porteur, a collectionné les sommets de plus de 8 000 mêtres d'altitude.
Sa vie entière, de la naissance à la mort, a eu pour théâtre le toit du monde. Ang Rita Sherpa, dit "Le léopard des neiges", s’est éteint à 72 ans à Katmandou au Népal, et sa dépouille a été incinérée mercredi 23 septembre selon la tradition du peuple sherpa. Ce n’est pas l’ivresse des cimes qui l’a emporté, mais celle du tchang, l’alcool d’orge tibétain qui a eu raison de son foie. Le danger n’est pas toujours là où on l’imagine, lui qui aurait pu mourir cent fois en montagne : Ang Rita est le seul être humain à avoir gravi l’Everest dix fois sans bouteille d'oxygène.
La première, c’était en 1983, la dernière en 1996, et depuis personne n’a jamais battu son record. Né au pied de l’Himalaya, il dit que c’est le destin qui l’a forcé à grimper : "Adolescent, j’ai perdu mes parents", raconte-t-il dans sa biographie, "et ça m’a obligé à accepter l’alpinisme comme profession pour subvenir aux besoins de ma famille." À 15 ans, il prend donc un piolet et commence à accompagner les téméraires occidentaux venus affronter les géants, qui finiront vite par s’arracher ses services, sa compréhension exceptionnelle de la montagne. En quelques années, il passe de porteur à guide. Et à 30 ans, il attaque son premier "8 000" : le Dhaulagiri, 8 200 mètres. Première tentative, première réussite, après laquelle il enchaîne : le K2, l’Annapurna, le Lhotse et donc l’Everest, ce colosse en haut duquel il finira par laisser un peu de ses poumons.
Honoré par le roi du Népal
En 1996, lorsqu’il redescend pour la dixième fois, il rapporte avec lui une toux quinteuse qui ne le quittera plus et décide à 48 ans de poser définitivement son piolet. Fait exceptionnel pour un sherpa : le roi du Népal le fait alors chevalier et surtout le gratifie d’une rente à vie, 5 000 roupies par mois, de quoi faire vivre honorablement sa femme et ses quatre enfants. Une revanche méritée contre l’anonymat. "Parce que ce sont toujours les 'sahib'", les blancs, disait-il à l’époque, "qui tirent prestige de l’arrivée au sommet… moi je les y mène, mais même si je gravissais l’Everest encore vingt fois, je ne serais jamais qu’un sherpa."
Il n’empêche, Ang Rita peut compter sur l’Everest pour protéger son record. 24 ans plus tard, personne, ni un blanc, ni un sherpa, n’a réitéré l’exploit. Un léopard des neiges peut-être, mais ça, seule la montagne le sait.
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