Transparence : retour en arrière impossible
Le pli est pris. La France est le dernier pays d'Europe (avec la Slovénie) à
ne pas dévoiler le patrimoine de ses parlementaires. Cette exception devrait être
levée avec la loi provoquée par le scandale Cahuzac. Le texte précis sera
examiné le 24 avril prochain par le conseil des ministres.
François Hollande et Jean-Marc Ayrault en ont annoncé les
grandes lignes. Et se heurtent à des oppositions aussi bien à droite, qu'à
gauche.
Majorité ou opposition, la crainte est la même : du président
de l'UMP, Jean-François Copé, au président socialiste de l'Assemblée, Claude Bartolone, ces élus dénoncent un risque
de voyeurisme.
Il est vrai que les hommes politiques devront assumer leur
train de vie, qui n'est pas celui des classes modestes.
De là, à être accusés de vivre coupés des réalités, il n'y a
qu'un pas que leurs électeurs pourraient franchir avec d'autant plus de
facilité qu'eux-mêmes se sentent défavorisés.
Un procès qui toucherait
peut-être plus la gauche que la droite...
C'est ce que redoutent en tout cas les responsables de
gauche. Michèle Delaunay, ancienne cancérologue mariée à un haut
fonctionnaire, s'en est inquiétée. La ministre déléguée aux personnes âgées s'en
est expliquée dès ce matin dans son
journal local, Sud-Ouest : "ma capacité de révolte n'est pas indexée
sur mon patrimoine ". Comme si la sincérité d'un élu de gauche se mesurait à sa
situation financière personnelle. Le procès n'est pas nouveau, mais il pourra désormais être
étayé par des chiffres précis et publics. On verra bien un jour, où l'intérêt envers les classes populaires d'un élu de gauche sera contesté
au prétexte de son aisance personnelle. A peine les patrimoines des ministres ont-ils été mis en
ligne, d'ailleurs, que les réseaux sociaux se sont enflammés pour savoir lequel
déclarait le plus, lequel possédait la plus grande maison.
La transparence
rimerait donc avec voyeurisme.
Dans un premier temps, c'est inévitable. Mais la question est maintenant : comment revenir en
arrière ? Les prochains gouvernements devront trouver un motif crédible
pour renoncer à cette pratique. Et l'on cherche la bonne raison acceptable par
l'opinion. Les parlementaires entendent batailler contre la publication
de leur patrimoine.
Mais comment pourront-ils justifier leurs réticences
maintenant que les ministres ont essuyé les plâtres. Une fois les calculettes rangées, une fois les palmarès
établis, le débat risque de se déporter sur un autre registre :
Ces
patrimoines sont-ils usurpés?
Car la transparence va de pair avec une approche nouvelle en
France : l'idée que l'aisance n'est pas forcément mal acquise ou
imméritée.
Une notion que certaines mesures fiscales ressenties comme
punitives (comme la taxe à 75%) ne valorisent pas forcément... sauf à bien mieux
les expliquer.
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