Présidentielle 2022 : quelques nuances de trotskisme
Philippe Poutou et Nathalie Artaud : deux candidats trotskistes se présentent cette année encore à l’élection présidentielle. Est-ce une particularité française ?
La France, ses clochers, ses fromages (246 variétés selon le général De Gaulle), et puis donc, ses candidats trotskistes. Cette année, deux rivaux qui ne se quittent plus depuis dix ans, candidats l’un et l’autre pour la troisième fois, après 2012 et 2017 : Philippe Poutou, pour le Nouveau Parti Anticapitaliste, et Nathalie Artaud sous la casaque de Lutte Ouvrière.
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Cela semble beaucoup, et pourtant, il y a marée basse. Lors des présidentielles de 2002 et 2007, il y avait trois candidats trotskistes. Avec, en plus, un prétendant du parti des Travailleurs, Daniel Gluckstein puis Gérard Schivardi.
Les trotskistes, beaucoup de divisions
C’est un peu comme dans ces villages où des familles voisines ne se parlent plus depuis des générations sans même se souvenir de la raison de la fâcherie. En l'occurrence, la cause de la brouille est la scission de la IVe Internationale, en 1952. Depuis, plusieurs familles se disputent les morceaux de la vraie croix du gourou, Léon Trotsky.
La plus austère, c’est Lutte ouvrière, surtout implantée dans des usines, qui évolue aux marges de la clandestinité, et fut longtemps incarnée par Arlette Laguiller, six fois candidate. Une branche plus sensible aux questions sociétales, au féminisme, aux minorités, ceux que l’on appelle les "pablistes", ont fondé la Ligue communiste révolutionnaire d’Alain Krivine, récemment disparu, devenu le NPA d’Olivier Besancenot.
Et puis il y a les lambertistes, de Pierre Lambert, de son vrai nom Boussel, candidat à la présidentielle de 1988. Eux ont une particularité : pour influer sur la gauche, ils pratiquent l’entrisme, c’est-à-dire qu’ils infiltrent des syndicats, comme Force ouvrière, ou des partis comme jadis le PS, qui a accueilli des militants lambertistes devenus célèbres : Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Luc Mélenchon ou Lionel Jospin.
Un point commun : le rejet de la démocratie
Ce qui les rassemble, c'est leur haine de ce qu’ils appellent la "démocratie bourgeoise". C’est-à-dire la démocratie représentative, parlementaire, bref, la démocratie tout court. Il suffit d’écouter Philippe Poutou et Nathalie Artaud souhaiter que "tout pète" pour "se débarrasser des capitalistes" et espérer que "tout finisse par se régler dans la rue" !
En attendant la révolution, ils utilisent les élections pour se faire entendre, même si les urnes n’ont à leurs yeux aucune légitimité. Et c’est à cela que l’on reconnaît l’incomparable grandeur de la démocratie : elle autorise à concourir même ceux qui veulent l’abattre.
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