Présidentielle 2022 : Nathalie Arthaud, Philippe Poutou : semblables, et pourtant si différents
La candidate de LO et le candidat du NPA sont tous deux trotskistes et défendent la fin du système capitaliste. Mais ils ne s'adressent pas exactement aux mêmes électeurs.
Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, les deux candidats de la gauche radicale assument leur ancrage anticapitaliste et révolutionnaire. Mais si leurs projets sont comparables, leurs rhétoriques, elles, sont bien différentes. Comment expliquer la présence de deux candidats trotskistes à l’élection présidentielle ?
Un même objectif : sortir du système capitaliste
Pour élucider cette question, commençons par nous pencher sur le discours de Nathalie Arthaud. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son adversaire est clairement désigné, comme le montre ces propos extraits de son clip de campagne ainsi que de sa participation à Questions politiques, sur franceinfo et France Inter, et Elysée 2022, sur France 2 : "Une société capitaliste qui fonctionne selon une seule boussole, c'est la soif de profits", "les politiciens défenseurs du capitalisme", "ce système capitaliste", "renverser, le capitalisme", "sortir tous les intérêts privés, tous les intérêts capitalistes, il faut pas de profits privés, nos intérêts de travailleurs d'abord". "J'espère qu'on fera la révolution. Oui, j'espère qu'un jour on arrivera à faire la révolution".
.@n_arthaud : “C'est une urgence de changer de fond en comble ce système qui nous condamne à l'exploitation, qui condamne les femmes et les hommes qui travaillent dur à se demander comment ils vont faire pour remplir le réservoir de leur voiture.” #QuestionsPol #Elysée2022 pic.twitter.com/886DFPMLcr
— France Inter (@franceinter) March 27, 2022
Pour la candidate de Lutte ouvrière, le cœur du problème, c’est donc bien le système capitaliste dans son ensemble. La seule solution, ce serait donc d’en sortir, purement et simplement, d’interdire les profits privés et, in fine, de faire la révolution. C’est la définition même d’un projet trotskiste.
On le retrouve également chez Philippe Poutou, candidat du NPA, au mot près ! Avec, tout de même, une très légère nuance, comme lors de son intervention dans Questions politiques et dans le 8h30 franceinfo, lundi 28 mars : "L'urgence à agir, c'est la rupture anticapitaliste, enlever le pouvoir aux capitalistes de diriger l'économie parce qu'ils en font n'importe quoi", "pour lever les moyens de nuire aux capitalistes" "le renversement du système capitaliste", "sortir des lois du capitalisme", "la rapacité des capitalistes", "C'est pour ça qu'on pose le problème de l'expropriation et de la socialisation. C'est vrai que ça passe par l'expropriation au moins des grosses entreprises, donc il faut exproprier, socialiser. C'est la base pour nous."
Philippe Poutou veut interdire les licenciements : "L'économie capitaliste est incapable de subvenir aux besoins des populations. Elle vit de crise en crise et quand elle apporte des réponse à la crise, elle aggrave sa propre crise." pic.twitter.com/Rm3p31o4u3
— franceinfo (@franceinfo) March 28, 2022
Plutôt que de parler d’interdiction des profits privés, le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste a tendance à parler directement d’expropriation : les concepts changent très légèrement, mais dans le fond, le projet porté est exactement le même.
Nathalie Arthaud, candidate des travailleurs
Qu’est-ce qui distingue alors ces deux candidats, si ce n’est pas leurs projets ? C’est la matrice dont procède leur projet. Et pour le comprendre, il faut zoomer très en profondeur dans leur discours, pour observer au nom de qui l’une et l’autre parlent. Dans le cas de Nathalie Arthaud, cela ne fait guère de surprise : "Je me présente pour faire entendre la voix et les intérêts des travailleurs. Aujourd'hui, ils sont exploités, opprimés, méprisés", dit-elle dans son clip de campagne. La candidate LO dit aussi s'adresser "aux femmes, aux hommes des classes populaires".
Nathalie Arthaud entend donc porter la voix des travailleuses et des travailleurs, contre les intérêts de la bourgeoisie, qu’elle cite nommément. Elle s’insère donc, encore, dans la perspective explicite d’une lutte des classes entre ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui les exploitent. Le discours n’a pas évolué d’un iota depuis la première candidature d’Arlette Laguiller, en 1974.
Philippe Poutou, candidat des luttes sociales
Le discours de Philippe Poutou est différent. Ce n’est pas la voix des travailleurs qu’il entend porter, mais celle, plus largement, des luttes sociales. Et cela entraîne des conséquences majeures. Le candidat du NPA déclare ainsi : "On est des militants au quotidien, on est investis dans les luttes, une gauche radicale". Il se dit aussi le représentant d'"une gauche féministe, antiraciste, internationaliste, anticolonialiste" et dit mener une "bataille pour les services publics, bataille écologiste, il y a plein de batailles".
Philippe Poutou ne s’exprime pas au nom des ouvriers et des travailleurs. Il entend, plus largement, porter la parole de l’ensemble des mouvements sociaux. C’est donc une matrice beaucoup plus large dont il procède. La conséquence politique, c’est un élargissement de son discours à d’autres enjeux : la lutte contre toutes les formes de discrimination et le combat écologiste.
Nathalie Arthaud incarne une tradition ouvrière, en résonance avec les luttes internes aux entreprises, Philippe Poutou assume, lui, un ancrage dans la rue et les manifestations. Nous sommes donc bien face à deux voix authentiquement différentes. Ces différences justifient-elles, pour autant, l'existence de deux candidatures séparées ? Cela, je laisse à chacun le soin d’en juger !
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