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François Hollande ne peut choisir lui-même ce qui est privé ou public

François Hollande a-t-il violé le principe de séparation des pouvoirs en qualifiant d'affabulation certains passages le concernant dans une biographie consacrée à sa compagne ? Question posée après l'envoi de cette lettre, signée François Hollande depuis son adresse personnelle, à l'avocat de Valérie Trierweiler. L'opposition UMP en est convaincue, le chef de l'Etat s'en défend.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Franceinfo (Franceinfo)

La missive est assez courte : 6 lignes manuscrites.

François
Hollande écrit tenir " pour affabulation une prétendue lettre  " qu'il
est supposé avoir écrite selon les auteurs de la biographie de sa compagne.

Selon eux, il aurait écrit à Edouard Balladur, via Patrick Devedjian,
dans les années 90, pour éventuellement rejoindre le RPR. La thèse est si peu plausible qu'elle n'a pas été reprise.

Mais François Hollande tient à dire ce qu'il en pense, en tant que simple
citoyen et compagnon de Valérie Trierweiler qui poursuit les auteurs du livre,
pour diffamation et atteinte à sa vie privée.

Le chef de l'Etat a pris soin de prendre son papier à lettre personnel,
avec son adresse personnelle, et sans aucune mention de sa qualité de président
de la République. Comme un citoyen lambda, il prétend apporter son témoignage dans le cadre
de ce procès.

Mais à peine cette lettre a-t-elle
été rendue publique, que l'opposition UMP s'est insurgée contre cette méthode,
en estimant qu'il s'agissait de pressions sur la justice.

  L'UMP se souvient sans doute des critiques subies par le président Sarkozy
accusé pêle-mêle d'exercer des pressions sur la justice (quand il s'en prenait
aux magistrats qu'il avait comparé à des petits pois) ou quand il a porté plainte
devant les tribunaux, lorsqu'il s'estimait diffamé ou injurié.

François Hollande ne porte pas plainte, mais la nuance n'apparaît pas
audible dans le match médiatique actuel. Il est pris à son propre jeu. Lui qui assurait qu'il
laisserait la justice agir en toute indépendance, est accusé de prendre parti
et donc de peser sur l'indépendance de la justice.

Peu importe que l'affaire relève du domaine privé,  un procès autour de la biographie non
autorisée de la compagne du chef de l'Etat est destiné, presque fatalement, à être
porté sur la place publique.

  • Parce que le statut de première dame ne vaut que par le caractère public
    du statut de compagne de président,

  • parce qu'une biographie relève du domaine public et commercial,

  • parce que les auteurs de cette biographie sont journalistes, dans des média
    audiovisuels de grande audience (Christophe Jakubyszyn dirige le service politique
    de TF1, Alix Bouilhaguet exerce à celui de France 2)

  • et enfin parce que le citoyen François Hollande est aussi président de la
    République.

Il est donc impossible de
distinguer entre vie privée et vie publique, concernant le chef de l'Etat ?

Sur le plan juridique ou institutionnel, la distinction est défendable... Sur
le plan politique, le distinguo est impossible.

D'ailleurs les avocats de la défense se sont immédiatement saisis de
cette lettre pour dénoncer une pression du pouvoir politique sur les juges. Les proches de François Hollande ont beau défendre le fait qu'il s'agit d'une
lettre du citoyen Hollande, rendue publique en toute transparence, le citoyen Hollande
ne peut exister dans la sphère publique.

En politique, l'adage relève de La Palice, ce qui est public est public,
ce qui est privé reste privé, inconnu du public.  

C'est l'écueil sur lequel Valérie Trierweiler avait déjà buté. Partager la
vie privée d'une personnalité relève du domaine privé, mais le statut de
première dame (du fait de ce lien intime) relève de la vie publique. Aucun
geste public (jusqu'au moindre tweet) ne saurait relever du domaine privé.

Que François Hollande, sans porter plainte, témoigne de l'affabulation d'une
thèse présentée comme le fruit d'une enquête ne peut être considéré comme un
geste privé, quoiqu'en pense le président de la République.

C'est là ou le bât blesse.

Le président de la République ne s'appartient pas, tout ce qu'il dit, ou
fait, devient sujet d'analyse ou de contestation politique.

Il ne peut choisir lui-même la destination de ses actes. Aucun de ses actes n'est privé, sauf à demeurer secret.

 

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