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Édito
Déficit public : Gabriel Attal et la sémantique de la "rigueur"
Interpellé mardi 26 mars à l’Assemblée nationale sur l’ampleur des déficits publics, Gabriel Attal a fini par lâcher le mot "rigueur. Après l’annonce du sévère dérapage des comptes publics en 2023, le Premier ministre a été soumis à un feu roulant de questions de l’opposition. Et il a donc promis de "poursuivre sur cette voie de rigueur et de responsabilité" pour "équilibrer nos finances." Pour l’heure, cette prétendue "voie de rigueur" a plutôt vidé les caisses de l’État. Mais l’emploi de ce terme politiquement lourd de sens n’est pas innocent. Jusque-là, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire préférait par exemple revendiquer le "sérieux budgétaire".
Ce mot "rigueur" sonne comme un aveu d’échec économique. Il annonce le temps des décisions difficiles pour les Français et renvoie, en particulier, au "tournant de la rigueur" enclenché par Pierre Mauroy en mars 1983, Gabriel Attal n’était même pas né. À l’époque, au bout de deux ans de réformes dispendieuses, les socialistes au pouvoir avaient dû tailler drastiquement dans la dépense publique, les dépenses sociales et le financement des collectivités locales, et augmenter les impôts, pour éviter la sortie de route. Ces choix douloureux rompaient avec les engagements du candidat François Mitterrand en 1981 mais ils ont préservé la place de la France en Europe. Un changement de politique que la gauche n’a jamais totalement assumé, Lionel Jospin évoquant à l’époque une simple "parenthèse". Quelque 12 années plus tard, le 26 octobre 1995, rebelote, Jacques Chirac, élu depuis peu, avait pris le même virage en enterrant ses promesses sur la "fracture sociale" pour faire de la réduction des déficits une priorité absolue.
Trouver des solutions sans augmenter les impôts
Le gouvernement est sans doute condamné à suivre la même voie. "Laisser dériver nos finances serait irresponsable", répète Bruno Le Maire. Alors, les mots ne sont pas les mêmes, les outils non plus. Bercy continue d’écarter toute hausse d’impôt, et Gabriel Attal habille les mauvaises nouvelles, les coupes annoncées dans les dépenses sociales sous le vocable de la "priorité au travail". Mais les faits sont là. En septembre 2007, François Fillon, nouveau Premier ministre, avait eu, lui aussi, une phrase malheureuse : "Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite", avait-il dit. À l’époque, la dette n’était "que" de 1200 milliards et le déficit de 2,7 % du PIB. Près de 17 ans plus tard, la France dépasse 3000 milliards de dettes et 5,5 % de déficit.
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