Le jeu vidéo est-il une drogue ?
L’association Famille de France affirmait il y a quelques mois qu’il y existait une corrélation entre l’addiction à la drogue, particulièrement au cannabis, et l’addiction aux jeux vidéo. A contrario, une étude suédoise a conclut que les jeunes accros de la manette consomment moins de drogue et d’alcool que la moyenne.
D’abord, pour savoir de quoi on parle, quelle est la définition de l’addiction ? Voici celle de Marc Valleur, psychiatre, médecin chef à l’hôpital Marmottant à Paris où l’on s’occupe de toxicomanie depuis 40 ans : "La définition clinique de l’addiction c’est le fait qu’une personne à un moment plus ou moins clairement veuille réduire ou cesser une conduite, et n’y parvienne pas. Maintenant il faut noter qu’il y a d’autres définitions et notamment de santé publique, c’est à dire tous les inconvénients pour la société en coût de santé liée à une pratique et cette définition est beaucoup plus large que la première. Si on prend l’exemple de l’alcool, il va falloir inclure les accidents de la route, les bagarres à la sortie des bars, qui ne sont pas des problèmes de clinique mais de société. "
Autrement dit, les drogues ne sont pas seulement celles répertoriées par la loi, qu’elles soient légales comme le tabac ou l’alcool, ou illégales comme l'héroïne ou la cocaïne. Les drogues peuvent aussi exister dans la vie de tous les jours. Alors, peut-on parler d’addiction aux jeux vidéo ? Pour Marc Valleur, la réponse est oui : "L’addiction aux jeux vidéo, on en parle beaucoup mais on en parle beaucoup trop par rapport à une réalité qui cliniquement est relativement minime. Mais c’est une réalité clinique dans la mesure où un certain nombre de personnes viennent vers nous car elles n’arrivent pas à arrêter le jeu vidéo. Il faut dire aussi que cela concerne une forme de jeu particulière que sont les jeux de rôle massivement multijoueur en ligne. Cela concerne très peu les autres formes de jeux vidéo. "
Sauf que les spécialistes ne sont absolument pas d’accord sur cette question de l’addiction aux jeux vidéo. Il n’y a aucun consensus sur ce débat sensible. Aucun. Chaque étude est contredite par une autre. Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les médias numériques et les addictions le confirme : "Le jeu vidéo n’est pas une drogue, c’est un objet qu’on utilise comme n’importe quel objet du quotidien de notre société de consommation. On peut donc l’utiliser de manière excessive pour se soigner ou trouver des réponses. Le problème du jeu, c’est que lorsqu’on a une pathologie sous-jacente ou que l’on est en dépression, on peut aller facilement s’y réfugier parce que c’est un autre univers et qu’il suscite une valorisation narcissique directe comme les réseaux sociaux. Alors que dans la vraie vie, c’est plus difficile. Le jeu vidéo est-il une drogue ? Le café du matin est-il une drogue ? Est-ce que Plus Belle la Vie est une drogue ? Dans ce cas, il faudrait mettre tous les objets du quotidien dans cette catégorie. "
Donc, si l’on admet que le jeu vidéo est une drogue, ça signifie que tout ou presque dans nos sociétés de consommation peut être rangé sous la catégorie : drogue. Nourriture, télévision, café du petit matin, sexe et pourquoi pas religion. Certains, comme le Dr Marc Valleur, y voit du bon : "L’élargissement du spectre des addictions est extrêmement utile et peut nous aider à reformuler les problèmes. Je rappelle que nous sommes dans une société qui, depuis 1976, stigamtise certains produits en les interdisant, ce qui permet en contrepartie de dédouaner d’une certaine manière toutes les autres substances qui elles sont licites comme l’alcool, le tabac ou les jeux d’argent. L’idée qu’il existe des produits totalement dangereux et d’autres totalement anodins n'est pas bonne. C’est faux. Notre société de consommation doit être remise en question par rapport à celle de l’addiction comme l'idée que le bonheur se résume à une consommation sans fin d'un certain nombre d’objets. "
Mais s’il n’y a pas de consensus sur l’addiction au jeu vidéo, le terme d’“usage excessif ”, lui, est admis. Et ce terme d’"usage excessif " est admis dans des cas très rares. Quelques conseils : Jouer soi-même pour mieux comprendre, surtout si vous êtes parents et même si vous trouvez les jeux vidéo débiles. La connaissance, il n’y a rien de mieux. Ensuite, dialoguer avec votre ou vos enfants pour savoir pourquoi ça lui plait ou pourquoi tel type de jeu ne lui plait pas, établir pourquoi pas un contrat avec lui, une heure de lecture pour une heure de jeu, voilà quelques conseils pour éviter notamment l’équation : jeu excessif = échec scolaire.
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