Vestiaires, une série pour parler du handicap autrement

Sur le papier, c'est une drôle d'idée. Vingt-cinq épisodes de deux minutes sur les aventures d'une bande de copains handicapés qui font de la natation et qui se retrouvent en maillot de bain dans le vestiaire pour se raconter leur vie, on ne voit pas vraiment ce qui va être drôle. L'un est en fauteuil roulant, le second a une malformation du bras, le troisième souffre de problèmes d'élocution... A priori, rien de guère réjouissant. Et pourtant, tout ce qui ailleurs serait synonyme de compassion, de gêne, voire d'exclusion est ici prétexte au gag, à la légereté.

Comme dans cette scène où un nageur plonge dans l'eau, et où ses prothèses restent elles sur le bord de la piscine, ça va parfois très loin mais ça sonne toujours juste. La série réussit à être politiquement incorrect sans être méchant. Et c'est sans doute parce que les deux héros sont largement inspirés des deux auteurs, Fabrice Chanut et Adda Abdelli, qui sont eux-mêmes handicapés et qui font partie d'un club de natation à Marseille. Ils ont décidé d'en faire une série qui changerait le regard sur le handicap.

Passé l'étonnement des premières minutes, on se surprend à rire franchement. N'hésitez pas à pousser la porte de ces Vestiaires pas tout à fait comme les autres. C'est tous les jours à 13h50 sur France 2 pendant un mois.

Les personnes handicapées, sous-représentées à la télévision

De manière générale, les personnes handicapées sont très rares à la télévision. Selon le CSA, environ 0,5 % des personnes apparaissant à la télévision sont en situation de handicap, tous programmes confondus. C'est très peu, même si on sent en ce moment un certain frémissement. Vestiaires en fait partie. Dans la même veine, il y a aussi J'en crois pas mes yeux , mini-série sur W9 (et sur le web). On peut également penser au succès du film Intouchables , au cinéma, avec François Cluzet dans le rôle d'un tétraplégique.

Mais il y a quand même une étape qui est rarement franchie : à la télévision, les personnes handicapées sont souvent réduites à leur statut de personne handicapée. "C'est comme il y a quelques années, avec les Français noirs ou d'origine maghrébine" explique Rachid Arhab, chargé des questions de diversité au CSA. "On les a longtemps réduit à des stéréotypes. Quand on aura dans un film un héros en situation de handicap que le public acceptera comme tel sans voir uniquement son fauteuil, on aura fait une avancée" .

On peut ajouter qu'un net progrès sera aussi fait le jour où une série comme Vestiaires sera diffusée comme une série normale, toute l'année, sans être adossée à la semaine pour l'emploi des personnes handicapées. Tout simplement parce que c'est un bon programme. Après tout, c'est quand même le meilleur des arguments...