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Tristan Waleckx, poursuivi pour une enquête sur Bolloré : "Il y a une tendance de certains grands groupes à contourner la loi sur la liberté de la presse"

Le journaliste Tristan Waleckx, prix Albert-Londres pour un portrait-enquête de Vicent Bolloré, est l'invité d'"Info médias". Il est poursuivi par l'industriel breton. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Tristan Waleckx. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Les députés examinent mardi 26 mars la loi sur le secret des affaires. L'objectif affiché est de protéger les entreprises de l'espionnage économique sans porter atteinte à la liberté d'information. Mais la proposition de loi suscite l'inquiétude des médias et associations. 

Hasard du calendrier : lundi, France 2 s'est retrouvé devant le tribunal de commerce pour un "Complément d'enquête" sur les activités du groupe Bolloré en Afrique. Le documentaire, "Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien ?", diffusé en 2016, recueillait notamment les témoignages d'ouvriers agricoles dans des exploitations d'huile de palme au Cameroun, dont Bolloré est actionnaire. L'enquête de Tristan Waleckx, Matthieu Rénier et Mikael Bozo a été récompensée du prix Albert-Londres 2017.

"L'inventivité" de Bolloré

"Nous avons assisté à une audience surréaliste, explique Tristan Waleckx, invité d'''Info médias' sur franceinfo, mardi. En général, les journalistes sont jugés devant une chambre de presse pour diffamation. Cette fois-ci, Vincent Bolloré a décidé de contourner la loi sur la liberté de la presse de 1881. Il est assez inventif en matière de procédure judiciaire, il attaque France 2 et réclame la somme de 50 millions d'euros." Le groupe Bolloré s'estime "dénigré", et assure avoir subi "un préjudice moral". Le jugement sera rendu le 12 juin.

"J'étais hier au tribunal de commerce, poursuit Tristan Waleckx, jugé par des gens qui ont l'habitude de régler des litiges entre commerçants. J'étais donc un journaliste, commerçant, contre Vincent Bolloré, commerçant, qui estime qu'il a été lésé dans ses affaires ! Il ne s'agissait pas de dire si ce que l'on disait était vrai ou faux, mais si les choses vraies portaient atteinte au groupe Bolloré." 

Tristan Waleckx est également poursuivi pour diffamation et il est également convoqué par un tribunal de Douala au Cameroun, où il risque la prison ferme. "Pour le même reportage, on est attaqués à trois reprises."  "Nous sommes une plus d'une cinquantaine à avoir été attaqués par Bolloré, note Tristan Walecks, à chaque fois pour ses activités africaines. Je ne connais pas de journaliste qui ait été dans ses plantations au Cameroun qui n'ait pas été attaqué." 

"Pas besoin' d'une loi sur le secret des affaires

Si la loi sur le secret des affaires était déjà votée et appliquée, "cela ouvrirait la voie à Vincent Bolloré pour nous poursuivre une quatrième fois."  "Il y a suffisemment de dispositions législatives aujourd'hui pour permettre aux multinationales d'attaquer les journalistes d'investigation, regrette Tristan Waleckx. On n'a pas besoin d'offrir à Vincent Bolloré la possibilité d'attaquer une quatrième fois un même reportage."

"On voit bien qu'il y a une tendance des grands groupes à contourner la loi sur la liberté de la presse, relève Tristan Waleckx, et de saisir d'autres juridictions. 'Cash Investigation' a été attaqué non pas pour diffamation mais pour violation de domicile. Il y a une tentation de contourner cette loi fondamentale de notre démocratie. Si on a une nouvelle disposition qui permet de la contourner, c'est un problème." 

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