Thierry Beccaro joue son propre rôle dans la fiction, "Je suis né à 17 ans" : "Je pensais que ma vie n'intéressait personne"
Thierry Beccaro a passé 30 ans à animer le jeu culte Motus et Télématin sur France 2. Comédien, il est à l'affiche du téléfilm, Je suis né à 17 ans, diffusé mercredi 22 novembre 2023 à 21h10 sur France 2 et accessible sur la plateforme de France Télévisions. Il sera suivi d’un débat animé par Julian Bugier, Enfants maltraités : se reconstruire après les violences. Cette fiction inédite est l’adaptation de son autobiographie du même nom sortie en 2018 aux éditions Plon dans laquelle il racontait pour la première fois ses années de souffrance silencieuse, de maltraitances infligées par son père. Selon Santé Publique France, 120 enfants sont victimes d’infanticides chaque année en France et les plaintes pour violences intrafamiliales envers les enfants et les adolescents avoisinent le chiffre des 40 000 en 2019, selon la police.
franceinfo : Dans votre livre, vous révéliez votre passé d'enfant battu par votre père. Dans la fiction, on fait des allers-retours entre hier et aujourd'hui, entre votre enfance et votre vie actuelle. Le point de départ du film, c'est la fin de vie de votre papa. Il est à l'hôpital, il va mourir, et là, tout votre passé remonte à la surface. Est-ce vraiment ce qui vous est arrivé ?
Thierry Beccaro : C'est exactement ce qui m'est arrivé et d'ailleurs, il y a peu, quelqu'un m'a dit : "Mais est-ce que tu te rends compte que tu as présenté un jeu qui s'appelait Motus" ? Le silence. Et j'en ai eu des frissons parce que pendant que je travaillais à France Télévisions et au théâtre, j'avais mis tout ce passé de côté. J'ai été un des animateurs les plus discrets du paysage audiovisuel français. Je pensais que l'intérêt, c'était d'être efficace devant une caméra, derrière un micro ou sur une scène de théâtre, mais jamais je ne voulais raconter ma vie parce que, pour moi, ça n'intéressait personne.
Vous voyez que c'est le contraire qui s'est passé, puisque votre livre, c'est extrêmement bien vendu. Il y a eu un accueil formidable, une grande bienveillance, et tout de suite après on vous a proposé d'en faire une fiction.
"C'est incroyable. Je le dis régulièrement, mais c'est comme si j'avais reçu 17 ans d'amour que je n'avais pas reçu."
Thierry Beccaroà franceinfo
J'ai eu tellement peur d'écrire ce livre parce que j'étais très discret et quand on m'a dit : "Raconte ton histoire, j'ai répondu, vous voulez que je raconte mon histoire ? Alors d'accord, je vais la raconter dans son entièreté." Plusieurs de mes proches, celles et ceux avec qui je travaillais à France Télévisions et ailleurs, sont un peu tombés de l'armoire. Ça a été une surprise et ça a été ce que me disait mon éditeur : "Thierry, fais-nous confiance, tu vas aider un maximum de personnes". Pourquoi j'avais peur et pourquoi je pensais que c'était inintéressant d’écrire mon histoire ? Parce qu'on se croit toujours seul à vivre ce qu'on vit et on ne veut pas aller embêter le voisin avec ses histoires, que l'on veut garder pour soi, dans son intimité.
Vous jouez votre propre rôle dans cette fiction. Est-ce que c'était une évidence pour vous ?
Ah non ! Ce n'était pas une évidence. J'ai un sac à dos, avec lequel j'ai trimballé un échéancier de peurs dans tous les domaines. Quand le livre est sorti, je me suis dit : "bon bah ça y est, c'est bon, j'ai fait ce que j'avais à faire, ça a fait du bien à pas mal de gens". Et puis tout à coup, on vient me chercher et on me dit : "Voilà, j'ai mis une option sur le livre, on va en faire un film". Anne Holmes et Carole Le Berre tenaient à ce qu'on fasse un film à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre, et je m'y suis retrouvé. Mais au début, je proposais d'autres noms !
Ce tournage, n'a-t-il pas été trop douloureux pour vous ?
Non, pour moi, ça n'avait pas été trop douloureux parce que je connais l'histoire, je l'ai expiée. J'ai été sur le divan pendant pas mal d'années, mais je dis ça avec un petit sourire un peu malin. C'est pour les autres que c'était difficile, tous ceux qui étaient autour de moi et qui ne savait pas ce que c’était, ce que ça impliquait, ce que ça entraînait, les gifles, les coups, la maltraitance psychologique et tout ce que ça vous empêche de faire.
"Pendant des années, je n'ai pas voyagé, j'avais du mal en société, j'ai eu du mal à dire je t'aime. C'est ça qui est terrible."
Thierry Beccaroà franceinfo
Je voulais montrer à tous ces gens qui m'entouraient, voilà ce que c'est que la spasmophilie, voilà ce que c'est quand on est coincé les mains sur un volant, voilà ce que c'est quand on ne peut pas prendre l'avion. C'est ça qui doit parler aux gens et je suis sûr que certains ou certaines vont se reconnaître demain soir dans le propos que je présente.
C'est aussi un grand message d'espoir, parce qu'aujourd'hui, vous dites avoir expié tout ça, vous avez même pardonné à votre papa. Pouvez-vous vous dire : "J'ai réussi ma vie" ?
Oui. Je pense que c'est ça qui a été intéressant pour celles et ceux qui m'ont lu ou qui verront le film. C'est ça que j'ai envie de leur dire. Il y a du soleil au-dessus des nuages. Il faut être courageux, il faut travailler, il ne faut surtout pas rester dans l'aigreur, l'amertume, l'idée de revanche, parce que sinon vous n'avancez pas.
Si vous êtes victime ou bien témoin de maltraitance, vous pouvez joindre ce numéro d’urgence : 119. Appel gratuit, anonymat respecté et joignable 24h/24.
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