En Syrie, il y a (aussi) une guerre des images
La séquence dure trente-six secondes. Elle est filmée avec un
téléphone portable. La vidéo circule toujours
sur Youtube . On y voit donc cette scène de mutilation, de
cannibalisme aussi. L'homme porte à sa bouche un morceau de chair du cadavre,
il parle alors à la caméra : "Je jure devant Dieu, vous soldats de Bachar, vous, chiens,
que nous mangerons vos cœurs et vos foies".
Le profanateur a été identifié
Le magazine américain Time l'a même interviewé .
Il s'appelle Khalid Al Hamad. C'est un chef de guerre rebelle. Il assume son
geste. Dans l'entretien, il évoque même une autre vidéo dans laquelle on le verrait découper
un soldat du régime à la tronçonneuse.
Peter Bouckaert est
le directeur urgence de Human Rights Watch à Genève. Des scènes d'horreur
en vidéo comme celle-ci, il en a vu des dizaines. Pourtant il s'étonne encore que
ces scènes soient filmées par les criminels eux-mêmes. "Ils ne connaissent pas la
Convention de Genève [ndlr, notamment sur les droits des prisonniers et des
blessés de guerre] et ne réalisent pas que ces vidéos sont des preuves de leurs
crimes."
Les équipes de Human Rights
Watch travaillent sur plusieurs dossiers de crimes de guerre et de crimes
contre l'humanité sur la base, entre autres, de ces images.
Le fait de l'armée loyaliste
C'est
ce que rappelle Thomas Pierret de l'Université d'Edimbourg, auteur de "Baas et Islam en Syrie : la dynastie Assad face
aux oulémas" . Pour lui, le buzz sur cette vidéo rebelle est
disproportionné : "Il faut
rappeler qu'il y a eu beaucoup de vidéos de ce genre avant, dans leur grande
majorité mettant en scène des forces loyales au régime. Des vidéos infiniment
plus violentes que celle qui fait le buzz : on y voit des personnes enterrées
vivantes, des personnes égorgées, mutilées de leur vivant..."
Alors
pourquoi ce focus des médias sur cette vidéo rebelle ? "Dans l'ensemble, les
médias occidentaux n'ont aucune espèce d'attente éthique par rapport aux forces
loyalistes, c'est-à-dire qu'on sait que ce sont des forces armées extrêmement
brutales qui ne respectent pas les droits de l'homme. Au contraire, il y a des
attentes morales concernant les rebelles syriens qui sont censés incarner une
cause juste."
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